"Quelle femme honnête ?"
Troisième réalisation de Jean Renoir, la plus importante de sa période du muet, Nana est une libre adaptation du roman éponyme d'Emile Zola. L'ouvrage, paru en 1880, est le neuvième de la saga en vingt volumes des "Rougon-Macquart", situé entre "Une Page d'amour" et "Pot-Bouille". Le personnage de Nana, la fille de Gervaise et de l'alcoolique Coupeau Macquart, est déjà apparue dans un tome précédant, "L'Assommoir" (1877).
A la fin du livre, elle quitte le domicile de ses parents pour vivre
dans les rues et commencer à s'adonner à la prostitution. Si Renoir choisit ce texte, c'est par goût du naturalisme. Il adaptera, douze ans plus tard, un autre roman du même auteur, La Bête humaine, probablement l'un de ses meilleurs films. Mais naturalisme rime ici avec expérimentation, moins marquée, certes, que dans La Fille de l'eau,
son premier long métrage, mais néanmoins manifeste. La première du film
eut lieu au "Moulin rouge" de Paris le 27 avril 1926*. Il ne laissa pas
le public indifférent mais fut, en raison de son coût, un lourd échec
financier contraignant son auteur à abandonner la production.
Paris, Second Empire. Le comte Muffat (Werner Krauss), le chambellan de l'impératrice, s'éprend de Nana (Catherine Hessling) au cours d'une représentation de "La Blonde Vénus" donnée au théâtre des Variétés. L'actrice, vulgaire et sans réel talent, triomphe dans le rôle titre grâce à sa plastique avantageuse qui fascine littéralement les spectateurs masculins. Lorsque Bordenave (Pierre Philippe alias Pierre Lestringuez) lui refuse le rôle principal de la duchesse ingénue dans la pièce mondaine écrite par le dramaturge Fauchery (Claude Moore alias Claude Autant-Lara), elle demande à Muffat d'intervenir. Celui-ci, moyennant une somme importante, réussit à convaincre le directeur du théâtre. La pièce est un désastre et doit rapidement faire relâche. Nana renonce à sa carrière artistique et devient la protégée du comte qui l'installe dans un magnifique palais. Georges Hugon (Raymond Guérin-Catelain), le jeune neveu du comte de Vaudeuvres (Jean Angelo) tombe à son tour amoureux de la coquette, au grand dam de celui-ci. Vaudeuvres prie la courtisane de rompre avec son parent et se retrouve, lui aussi, prisonnier dans les rets du dangereux filet que lui tend l'aguichante et provocante Nana qui sait aussi, en cas de nécessité, jouer l'innocence effarouchée. Il ne tarde pas à donner le nom de sa séductrice à l'une des pouliches de son écurie de course. Pour gagner les moyens financiers de subvenir à la belle, il truque le résultat du prix de Longchamps mais, sa tentative est dévoilée et il est déshonoré.
Le Nana de Renoir est d'une grande cruauté, très sombre, d'une obscurité qui frôle le fantastique. L'image que le réalisateur donne de la femme est presque effrayante et la faiblesse et la turpitude des hommes y sont abyssales. En regardant pour la seconde fois ce long film (env. cent quarante minutes), l'influence d'Erich von Stroheim(notamment le remarquable Foolish Wives) est immédiatement perceptible. Renoir essaie de transcender le réalisme du roman pour atteindre une forme d'abstraction épurée qui nuit à l'esprit de cette évocation populaire, charnelle et sentimentale imaginée par Zola. Il faut accepter ce parti-pris du cinéaste si l'on ne veut pas être totalement dérouté par le film (surtout si l'on a lu le roman et conservé les images de la version plus tardive et débridée de Christian-Jaque). L'interprétation, extrêmement stylisée, use d'une gestuelle sur-expressive, en particulier chez l'actrice principale (l'épouse du réalisateur) ce qui renforce ce sentiment de théâtralité. Renoir fait toutefois preuve d'une étonnante maîtrise dans la composition de sa mise en scène, le choix des costumes, des plans et cadrages, laissant entrevoir le talent qui donnera naissance à La Chienne, à La Grande illusion ou à La Règle du jeu. Un mot pour conclure sur la nouvelle partition qui accompagne le film. Signée Marc-Olivier Dupin, elle respecte la tonalité singulière de l'oeuvre et ne nuit pas à sa bonne lisibilité. A l'image de nombreux scores d'époque, il lui arrive, pour les besoins de certaines scènes, de les bruiter à l'aide des instruments.
___Paris, Second Empire. Le comte Muffat (Werner Krauss), le chambellan de l'impératrice, s'éprend de Nana (Catherine Hessling) au cours d'une représentation de "La Blonde Vénus" donnée au théâtre des Variétés. L'actrice, vulgaire et sans réel talent, triomphe dans le rôle titre grâce à sa plastique avantageuse qui fascine littéralement les spectateurs masculins. Lorsque Bordenave (Pierre Philippe alias Pierre Lestringuez) lui refuse le rôle principal de la duchesse ingénue dans la pièce mondaine écrite par le dramaturge Fauchery (Claude Moore alias Claude Autant-Lara), elle demande à Muffat d'intervenir. Celui-ci, moyennant une somme importante, réussit à convaincre le directeur du théâtre. La pièce est un désastre et doit rapidement faire relâche. Nana renonce à sa carrière artistique et devient la protégée du comte qui l'installe dans un magnifique palais. Georges Hugon (Raymond Guérin-Catelain), le jeune neveu du comte de Vaudeuvres (Jean Angelo) tombe à son tour amoureux de la coquette, au grand dam de celui-ci. Vaudeuvres prie la courtisane de rompre avec son parent et se retrouve, lui aussi, prisonnier dans les rets du dangereux filet que lui tend l'aguichante et provocante Nana qui sait aussi, en cas de nécessité, jouer l'innocence effarouchée. Il ne tarde pas à donner le nom de sa séductrice à l'une des pouliches de son écurie de course. Pour gagner les moyens financiers de subvenir à la belle, il truque le résultat du prix de Longchamps mais, sa tentative est dévoilée et il est déshonoré.
Le Nana de Renoir est d'une grande cruauté, très sombre, d'une obscurité qui frôle le fantastique. L'image que le réalisateur donne de la femme est presque effrayante et la faiblesse et la turpitude des hommes y sont abyssales. En regardant pour la seconde fois ce long film (env. cent quarante minutes), l'influence d'Erich von Stroheim(notamment le remarquable Foolish Wives) est immédiatement perceptible. Renoir essaie de transcender le réalisme du roman pour atteindre une forme d'abstraction épurée qui nuit à l'esprit de cette évocation populaire, charnelle et sentimentale imaginée par Zola. Il faut accepter ce parti-pris du cinéaste si l'on ne veut pas être totalement dérouté par le film (surtout si l'on a lu le roman et conservé les images de la version plus tardive et débridée de Christian-Jaque). L'interprétation, extrêmement stylisée, use d'une gestuelle sur-expressive, en particulier chez l'actrice principale (l'épouse du réalisateur) ce qui renforce ce sentiment de théâtralité. Renoir fait toutefois preuve d'une étonnante maîtrise dans la composition de sa mise en scène, le choix des costumes, des plans et cadrages, laissant entrevoir le talent qui donnera naissance à La Chienne, à La Grande illusion ou à La Règle du jeu. Un mot pour conclure sur la nouvelle partition qui accompagne le film. Signée Marc-Olivier Dupin, elle respecte la tonalité singulière de l'oeuvre et ne nuit pas à sa bonne lisibilité. A l'image de nombreux scores d'époque, il lui arrive, pour les besoins de certaines scènes, de les bruiter à l'aide des instruments.
*pour resituer le film de Renoir, il sort un an après Bronenosets Potyomkin et The Gold Rush et un an avant Sunrise, The General, Metropolis et Napoléon.
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