dimanche 21 novembre 2004

Dial M for Murder (le crime était presque parfait)


"Dans les romans, les choses se passent comme le souhaite leur auteur. Dans la réalité, ce n'est jamais le cas."

 - film - 1963_10
Adaptation de la pièce à succès éponyme de Frederick Knott, (auteur auquel on doit également The Honey Pot et Wait Until Dark), Dial M for Murder sort quelques mois avant Rear Window. Et bien qu'il ne manque pas d'intérêt, la comparaison entre les deux films se fait à son détriment. Il ne sera, d'ailleurs, sélectionné ni aux Academy Awards, ni aux Golden Globes, cérémonies dominées par le film d'Elia Kazan, On the Waterfront. La Warner propose au réalisateur d'utiliser la technique du relief, ce qui, bien entendu, intéresse ce permanent expérimentateur qu'est Alfred Hitchcock. John Williams, qui faisait partie de la troupe de la pièce donnée en 1952, y retrouve son rôle de l'inspecteur-chef Hubbard. Le tournage de Dial M for Murder coïncide avec la signature d'un contrat qui va lier le réalisateur avec la Paramount pour neuf films (dont seuls six seront effectivement réalisés).
 - film - 1963_12
Tony Wendice (Ray Milland), un ancien champion de tennis, a épousé Margot (Grace Kelly) pour sa beauté mais aussi pour sa fortune. Margot a eu, il y a un an, une liaison avec un jeune auteur américain de romans policiers, Mark Halliday (Robert Cummings) à l'occasion d'un voyage de celui-ci à Londres. Halliday, de retour dans la capitale britannique, tente de renouer avec sa maîtresse. Redoutant que sa femme ne divorce et le laisse sans ressources, Tony a organisé à la (presque) perfection son assassinat. Pendant que son épouse et Halliday assistent, avec sa bénédiction, à la représentation d'une pièce de théâtre, il engage un personnage douteux, le capitaine Lesgate, alias Swann (Anthony Dawson), qu'il a connu au collège et qu'il tient par un habile chantage. Pour une somme rondelette, Lesgate, financièrement aux abois, accepte de tuer Margot. Le lendemain, Tony et Halliday assistent ensemble à un dîner d'adieu organisé par le club de celui-là. Tony téléphone à son épouse restée chez elle. Lesgate doit étrangler Margot pendant ce coup de fil. Mais la jeune femme, avec l'énergie du désespoir, tue Lesgate d'un coup de ciseaux dans le dos.
 - film - 1963_15
On a souvent dit que ce (presque) huis clos* était une sorte de suite de Strangers on a Train. Tony Wendice peut, en effet, être vu comme un Guy Haines mature, tous les deux joueurs de tennis et mariés à une riche et belle femme (Anne Morton-Ruth Roman dans le film de 1951), décidé, cette fois, à mettre en application la méthode imaginée par l'inquiétant Bruno Anthony. Hitchcock plante le décor et la situation de son intrigue à clés en exactement soixante-six secondes. Il choisit de modifier sensiblement le texte de la pièce en laissant penser que la liaison entre les deux amants pourrait continuer et, surtout, il fait de l'assassin par procuration un personnage beaucoup plus intelligent et séduisant que son rival. Au point que l'on regrette (presque) que son crime ne soit pas parfait. Dans la version en relief, Hitchcock ne fait pas du spectateur un acteur passif comme la plupart des autres réalisateurs ayant utilisé le procédé. Il l'intègre à la scène pour accroître la sensation de malaise, déjà perceptible dans la version 2D.
 - film - 1963_16
On est, bien sûr, admiratif devant la qualité de la mise en scène, avec des plans subtilement choisis jouant sur la position des acteurs, et étonné par la puissance suggestive (à la fois sexuelle et violente) de la scène de la tentative de meurtre qui semble être passée, sans encombre, entre les mailles de la censure. Le motif de répétition, à quatre reprises, de la mise en scène du meurtre est particulièrement savoureux. Mais l'une des clés du film est un peu faible. Dans l'hypothèse, retenue par la justice, où Margot est la meurtrière, on peut légitimement se demander pourquoi n'a-t-elle pas éliminé le motif présumé de son crime, à savoir la lettre compromettante que lui a envoyée Halliday et avec laquelle Swann la fait chanter ? Ray Milland, dans son seul film avec le réalisateur, en criminelle mais gentleman, remarquable joueur et bon perdant, est époustouflant d'aisance, d'ambiguïté et de charme. Celui que l'on a tant apprécié chez Fritz Lang ou Billy Wilder est un authentique personnage hitchcockien, probablement davantage que Cary Grant qui devait initialement tenir le rôle. On est surpris que cet acteur gallois n'ait pas été plus souvent retenu dans les castings du cinéaste. Dans le premier des trois films qu'elle tournera avec le maître, Grace Kelly, qui remplace Olivia de Havilland et sera "oscarisée" la même année pour The Country Girl, est appliquée et efficace, tout comme Robert Cummings, déjà vu dans Saboteur.
___
*comme l'étaient Lifeboat, Rope avant lui ou comme le sera Rear Window.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire