dimanche 21 novembre 2004

I Confess (la loi du silence)


"Un peu de honte, un peu de violence, cela suffit pour qu'il parle."

I Confess n'est, traditionnellement, pas considéré comme l'un des bons films d'Alfred Hitchcock. Peut-être souffre-t-il d'être sorti juste après le remarquable Strangers on a Train dont il utilise, en l'adaptant, le motif narratif. Inspiré de la pièce française du tout début du XXe siècle, "Nos deux Consciences", de Paul Anthelme, alias Paul Bourde, dont le thème a certainement trouvé un écho particulier chez cet ancien élève des jésuites qu'est Hitchcock, le film joue pourtant adroitement sur les oppositions. Celles de la révélation et du secret, du spirituel et du moral, du passé (notamment symbolisé par l'imposant et austère château de Frontenac) et du présent, de la vénalité et du martyr, de la justice pénale et de la condamnation populaire. Mais il manque probablement une soupçon de densité et d'unité pour faire de cette œuvre une des pièces majeurs de la filmographie du maître. Son succès public s'en est d'ailleurs ressenti.
Québec. Revêtu d'une soutane, Otto Keller (O.E. Hasse), le sacristain d'origine allemande de ste-Marie, assassine l'avocat Vilette pour de l'argent. De retour à l'église, il confesse son crime au frère Michael Logan (Montgomery Clift). Bien que tenu au secret, Logan se rend le lendemain sur le lieu du crime où l'inspecteur Larrue (Karl Malden) a commencé son investigation. Il indique à celui-ci qu'il avait rendez-vous avec le défunt et se met à la disposition de la police. En sortant, il rencontre Ruth Grandfort (Anne Baxter), ce que ne manque pas de remarquer l'efficace Larrue. Sur la base du témoignage de deux jeunes filles qui passaient devant le domicile de Vilette après un baby-sitting et ont aperçu un homme en robe de prêtre, Logan devient le suspect principal du meurtre. Il manque désormais à Larrue le mobile. Il a l'idée de convoquer, en présence du procureur Willy Robertson (Brian Aherne), Mme Grandfort. Celle-ci témoigne avoir été avec Logan au moment du meurtre. Interrogée sur la raison de cette rencontre et sur sa présence à proximité de chez Vilette, elle doit avouer qu'elle et Logan étaient amis d'enfance et s'aimaient. Lorsque Logan s'était engagé comme soldat, elle avait fini par épouser le riche et influent Pierre Grandfort (Roger Dann). A son retour de la guerre, Logan, qui n'était pas au courant de ce mariage, et elle s'étaient revus et avaient été contraints par un orage de passer une nuit dans un petit pavillon de jardin. Vilette les avait surpris au matin et avait commencé à faire chanter Mme Grandfort. Celle-ci se rendait donc chez son maître-chanteur pour tenter de trouver un improbable arrangement. Plus que de disculper Logan, ces aveux donnent à Larrue un motif au meurtre. D'autant qu'une demi-heure sépare la fin du rendez-vous entre les anciens amants et le meurtre.
Comme Strangers on a Train et, plus tard, The Wrong Man, I Confess joue sur le fameux transfert de culpabilité. Dans ce cadre, le film joue habilement sur une dialectique aveu-mutisme. Et la tension se nourrit davantage des silences et des regards que des actions ou des dialogues. La prestation de Montgomery Clift, au début de sa courte carrière, est plus que convaincante dans ce personnage tiraillé entre son devoir de silence et la nécessité de prouver son innocence mais paradoxalement résolu à ne pas trahir son engagement spirituel au profit de la morale. Pour composer son personnage, Clift, qui suit les principes de l'Actor's Studio, a consulté un jeune ecclésiastique français rencontré quelques années plus tôt dans une gare à l'époque où celui-ci postulait pour le noviciat. Pour leur premier et seul film ensemble, lui et Hitchcock s'entendirent assez mal, le réalisateur ne lui donnant volontairement presque pas d'indications pour son jeu. Dans une étape initiale du script, version assez vite abandonnée sous la pression de la Warner et des censeurs de tous poils, Logan était condamné à mort, exécuté et son innocence n'était prouvée qu'après sa mort. Anne Baxter, déjà testée pour Rebecca et encore auréolée de sa nomination aux Oscars pour All About Eve, n'était pas le premier choix d'Hitchcock qui lui préférait la suédoise Anita Bjork. Mais la vie privée de l'actrice l'a rapidement disqualifiée. Karl Malden, dans un rôle de policier agressif mais intelligent, tour à tour antipathique et attachant, est parfait. Signalons également la jolie prestation de l'actrice allemande Dolly Haas dans son dernier rôle au cinéma, celui d'Alma, l'épouse d'Otto Keller, pour laquelle celui-ci commet son crime et qui incarne la mauvaise conscience finalement rédemptrice. Il faut accorder une attention particulière aux détails de la mise en scène du film. Ils recèlent, si cela était encore nécessaire, des preuves évidentes du talent du réalisateur et de son chef-opérateur et permettent de sortir quelque peu ce film de la mauvaise estime qu'il connaît habituellement.

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