"Le seul remède, c'est de te faire renaître."
C'est à Kimiyoshi Yasuda, le principal artisan de la saga avec Kenji Misumi, que sont donc revenues l'honneur mais aussi la charge de mettre le point final à ces aventures du masseur aveugle Ichi. Et, selon le principe palingénésique cher aux stoïciens*, c'est avec un retour aux origines que s'opère cette conclusion. Shin Zatôichi monogatari: Kasama no chimatsuri
lève, en effet, un peu le voile sur l'enfance du héros et développe une
narration teintée de nostalgie qui n'est pas sans rappeler, malgré
leurs différences, celle de Zatôichi to Yôjinbô. C'est aussi un film sur la trahison et la corruption, deux thèmes récurrents de la "Légende de Zatôichi". Après le chapitre un peu excentrique dû à Shintarô Katsu, ce dernier acte, caractérisé par un casting distingué, est abordé et réalisé de manière bien plus classique.
L'errance d'Ichi le ramène, plus de vingt ans après son départ, à Kasama, le village de son enfance. Il y rencontre Omiya, une jeune femme élevée, comme lui auparavant, par la vieille Oshigé. Son arrivée coïncide avec celle d'un autre ancien résidant, Shinbei, devenu un riche commerçant de riz à Edo et bénéficiant du soutien des autorités locales. A l'époque où il se nommait encore Shinzuké, lui et Ichi
jouaient ensemble dans les champs de pastèques. Son retour est motivé,
selon ses dires, par l'aide qu'il compte apporter aux habitants. Ceux-ci
sont, en effet, rudement frappés par une disette persistante et par la
lourde fiscalité imposée par le gouverneur Kagada sur les récoltes de riz. Shinbei
avance à celui-ci le montant de taxe en retard, à la plus grande joie
et reconnaissance des paysans et des chefs de villages. Mais son
objectif réel devient bientôt manifeste. Au grand dam de leurs
bénéficiaires coutumiers, il s'approprie, avec l'aide du clan Iwagoro,
les carrières de pierre de la région et y fait travailler des paysans,
dont certains vont rapidement perdre la vie à cause de leur
inexpérience. Une situation dans laquelle Zatôichi ne peut s'empêcher de mettre son grain... de riz.
Shin Zatôichi monogatari: Kasama no chimatsuri
est une jolie fable sociale sur l'identité et la traîtrise. D'emblée,
la mise en parallèle, voire la confusion, des deux personnages majeurs
du film installe l'intention principale du film : une opposition des
statuts sociaux et des moralités fondée d'abord sur les apparences puis
sur la substance. Le faux bienfaiteur Shinbei est adulé pour sa réussite et sa richesse avant de révéler son vrai visage, celui d'une perversion absolue. Ichi
est, à quelques rares exceptions près, raillé et bafoué en tant que
yakuza avant d'être reconnu comme le vrai sauveur du village.
Etrangement, cette symétrie conflictuelle ne trouve son aboutissement
dramatique que grâce à l'intervention du surnaturel. Celle-ci prend la
simple forme d'un pan de vêtement retenu dans l'ouverture d'une maison
en ruine, après qu'Ichi s'y soit confessé et fait acte de
contrition auprès de l'esprit de sa défunte nourrice. L'un des attraits
essentiels du film est la présence de quelques comédiens remarquables
parmi lesquels l'homme du couple d'Hiroshima mon amour, Eiji Okada, qui interprète ici le personnage antagoniste du héros, Kei Sato, déjà présent dans Zatoichi no uta ga kikoeru et l'acteur kurosawien Yoshio Tsuchiya.
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*dont la doctrine apparaît assez proche de celle qui sous-tend la série.
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