Eaten Alive (le crocodile de la mort)

"Tu vas déguter, toi."

Trois ans après son premier long métrage, The Texas Chain Saw Massacre, deux après Jaws, Tobe Hooper sort à nouveau de la route pour emprunter ces sentiers, non battus, qui conduisent tout droit à l'horreur. Autant le dire d'emblée, s'il jouit d'une bonne réputation auprès des amateurs du genre (et peut-être au-delà), Eaten Alive ne vaut pas vraiment tripette (sic !), d'autant que l'on ne peut s'empêcher de le comparer au film précédent. TTCSM a marqué, sans aucun doute et peut-être plus encore aujourd'hui, avec le recul, qu'à l'époque, une étape dans l'histoire du film d'horreur, influençant celui-ci durablement. Eaten Alive passe, à côté, pour une bluette indolente et linéaire, malgré ses motifs, un peu frustes, de répétition. Son intérêt majeur réside dans un casting composite surprenant mais... réjouissant.

Parce qu'elle est résolument classique et conservatrice, une jeune femme qui s'essaie à la prostitution est virée par la maquerelle de son claque provincial. En désespoir de cause, elle atterrit au "Starlight Hotel", un établissement sordide et inquiétant, pour terminer sa nuit si mal entamée. Elle ne sait pas encore qu'elle vient de passer de Charybde en Scylla. En effet, lorsque Judd, le gérant du lieu, prend conscience que sa cliente est probablement une ex-locataire de Miss Hattie, il a soudain une folle envie de faire du jardinage avec elle, en particulier de la ratisser gratis. Et comme il n'est pas égoïste, une fois terminé(e), il l'envoie faire trempette dans le bassin où vit son crocodile africain. Après ce petit (ar)rangement inopiné, les choses auraient pu en rester là. Mais les affaires reprennent pour Judd et son établissement de villégiature. Car voilà qu'un étrange couple et leur petite fille débarquent à l'improviste et réclament une chambre. La nuit promet d'être longue... et le marais grouillant.

Avec son pitch emprunté à Psycho*, mais sans l'infini raffinement de ce dernier, Eaten Alive explore à nouveau, après The Texas Chain Saw Massacre, les peurs profondes de l'Amérique. Comme dans The Hills Have Eyes notamment, sorti la même année, il se veut le reflet d'une certaine déliquescence familiale et d'une névrose socialo-sexuelle (ou inversement !), sans pour autant, à l'image du film de Wes Craven et probablement plus que lui, se prendre au sérieux. Quelques pointes d'humour percent, en effet, sous l'effroi et le réalisateur n'accorde pas une importance démesurée au récit et au "personnage" reptilien, surtout mis en avant par le titre français. Une scène, celle du bar et des joueurs de billard, semble appartenir à un autre film et Eaten Alive ne pousse pas la schizophrénie de la situation, sa clôture, à son paroxysme. Tobe Hooper installe essentiellement une atmosphère, irréelle, cauchemardesque (éclairages artificiels, musique atonale émergeant d'anodines rengaines western) sans recherche d'une montée progressive de la tension dramatique. Neville Brand, le Capone de Joseph M. Newman et de Phil Karlson, est méconnaissable dans le rôle principal du psychopathe infirme. Les apparitions de Mel Ferrer, de retour de ses escapades européennes, de Stuart Whitman, le héros de la série Cimarron Strip, de William Finley qui venait de jouer Phantom of the Paradise, de Carolyn Jones, une habitués du genre (elle est, par exemple, l'interprète de Morticia Addams, dans la famille du même nom) et de Marilyn Burns, déjà présente dans TTCSM, apportent un peu d'agrément à cet horizon un peu désolant. Sans oublier le jeune Robert Englund, le futur multi récidiviste Freddy Krueger. Pour la petite histoire, Tobe Hooper récidivera, près d'un quart de siècle après, avec un Crocodile encore plus édenté. Non, décidément, on ne peut reprendre, à propos de ce film, les paroles de la chanson d'Elton John : "But the biggest kick I ever got, was doing a thing called the Crocodile Rock".
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*la référence ne s'arrête pas là puisque, comme Marion Crane, Miss Wood n°1 est en fuite et fait des "bêtises" ; comme dans le film d'Hitchcock, elle est recherchée par sa famille, comme dans le "Bates Motel", un femme va être enveloppée dans un rideau de douche.