lundi 22 mai 2006

Storie di ordinaria follia (conte de la folie ordinaire)


"Love, he said."

Pour certains, la rencontre entre Bukowski et Ferreri était inévitable. Les deux artistes ne partageaient-ils pas le goût de la provocation et de la folie ? Il y a des évidences qui n'en sont pas. Pour preuve, Storie di ordinaria follia, inspiré du recueil de nouvelles (au titre à rallonge) publié en 1972 et première tentative d'adaptation de l'auteur au cinéma, ne tient pas ses promesses, il est vrai informulées. Il s'agit du moins ferrérien des films du cinéaste et d'un pâle embellissement de l'œuvre et du marginal écrivain au style cru, toujours intimement liés. Et les couleurs apportées par Sergio Amidei, le scénariste de Roberto Rossellini et de Vittorio De Sica, et par l'éminent directeur de la photographie Tonino Delli Colli n'y peuvent rien, ou presque : récolter quelques prix en Italie et en Espagne. Reste un film qui, si l'on oublie ses géniteurs, est plutôt plaisant et permet notamment à Ben Gazzara d'offrir une jolie interprétation.
Charles Serking revient à Los Angeles après six semaines d'une erratique tournée poétique. Il retrouve son environnement habituel avec un certain réconfort. Son appartement minable dont le loyer est payé par Vicky, son ex-épouse, et son bar préféré. C'est dans celui-ci qu'il rencontre Cass, une jeune prostituée qu'il ramène chez lui mais n'honore qu'au petit matin, après avoir rédigé quelques pages sur sa machine à écrire. La relation entre eux se renforce lorsque Charles fait sortir sa jeune amie, arrêtée pour racolage, d'un poste de police en réglant sa caution. Si le poète-clochard est un intempérant de l'alcool, Cass est aussi, à sa manière, une extrémiste.
Le film d'ouverture du Festival de San Sebastián 1981 aurait pu n'être qu'une étape anecdotique dans la carrière de Marco Ferreri. Storie di ordinaria follia, sa seconde "adaptation" d'un ouvrage littéraire après Liza d'Ennio Flaiano, a cependant le mérite de souligner, mieux que l'œuvre elle-même, l'étrange filiation existant entre Charles Bukowski, né rappelons-le au sein d'une famille allemande, et le poète romantique Hölderlin. Comme son prédécesseur, à l'existence presque aussi chaotique que la sienne, et pour des raisons assez proches, Bukowski développe une troublante poétique de la détresse sans laquelle la quête d'amour, fortement teintée de nostalgie utérine, de son personnage ne serait que pathétique. La prestation de Ben Gazzara, un peu en perte de vitesse depuis Opening Night de Cassavetes, constitue l'autre intérêt majeur du film.

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