jeudi 11 mai 2006

Simple Men


"Trouble and desire."

Après Trust, Hal Hartley tourne deux courts et un long métrages, Surviving Desire, pour la télévision puis Simple Men qui marque une évolution dans sa carrière. Moins par ses recettes au box-office ou parce qu'il lui vaut sa première sélection officielle à Cannes et un intérêt accru pour son travail que parce que le drame y côtoie de plus près la comédie. Le film est, en effet, sous des airs de tragédie romantique une sorte de farce parodique où l'artifice (délibéré) et la stylisation l'emportent sur le réalisme. L'ironie, voire le comique, des situations et des dialogues font d'ailleurs penser au meilleur Godard ou à l'Ecossais Bill Forsyth tandis que l'économie des moyens rappelle Bresson. Mais le cinéaste ne réussit pas à rendre aussi sensible cette transcendance dans la relation amoureuse qui caractérisait ses deux précédents longs métrages.
Au terme d'un ambitieux casse de matériel informatique qu'il a organisé, Bill McCabe se fait doubler par ses deux complices dont Vera, la femme qu'il aime. Il croise alors son frère Dennis, étudiant boursier en philosophie, à la recherche de son père William. Celui-ci, surtout connu comme un ancien très bon joueur de la ligue de base-ball, vient en effet d'être emprisonné pour un attentat à la bombe commis en 1968 contre le Pentagone. Mais le sexagénaire s'est évadé de l'hôpital où il avait été transporté et a disparu. Grâce à la photographie d'une jeune femme confiée par l'anarchiste à son épouse sur laquelle figurent un prénom et un numéro de téléphone, Dennis et Bill tentent de le retrouver à Long Island. Tombés en panne de moto, les deux hommes rencontrent Kate, une hôtelière divorcée passionnée d'arboriculture, dont l'amie, Elina d'origine roumaine, vient de faire une crise d'épilepsie dans un pré.
"Ned, there is no such thing as adventure. There's no such thing as romance. There's only trouble and desire." Cette réplique de Bill*, empruntée par Hartley au Dr. Mabuse, der Spieler de Fritz lang, pourrait résumer à elle seule Simple Men. Plus encore que dans Trust, ce n'est pas tant le récit qui intéresse le scénariste et réalisateur que la "profession de foi" de ses personnages presque toujours contredite par la réalité et, surtout, par leurs rencontres. Les dialogues y sont donc essentiels, souvent formulés sur le mode de la sentence ou de l'aphorisme (encore Godard !). Et la figure (mythique) du père aurait tout aussi bien pu ne jamais "prendre corps" sans que cela nuise à la pertinence et à la cohérence du récit (son apparition constitue, dans une certaine mesure, une des faiblesses du script). Il y a dans le film du Jim Jarmusch de Stranger Than Paradise et de Down by Law mais en moins abouti, même sur le plan visuel, comme à l'état d'esquisse. La valeur de Simple Men réside dans cette savoureuse galerie de personnages, interprétés par des acteurs de la famille Hartley, au sein de laquelle s'opposent idéalisme masculin et pragmatisme féminin.
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*complétée comme suit :
"- Ned: Trouble and desire.
- Bill: That's right. And the funny thing is, when you desire something you immediately get into trouble. And when you're in trouble you don't desire anything at all.
- Ned: I see.
- Bill: It's impossible.
- Ned: It's ironic.
- Bill: It's a fucking tragedy is what it is, Ned."

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