"Mais vous n'avez pas joué le jeu."
Voilà
un premier long métrage qui, vu au moment de sa sortie, m'avait tout
bonnement enchanté, et pour plusieurs raisons. D'abord par les qualités
intrinsèques d'un scénario original, largement inspiré du badinage du
XVIIe siècle et des œuvres libertines de Pierre Choderlos de Laclos,
s'attachant en permanence à dialoguer avec l'intelligence du
spectateur. Ensuite, par la maîtrise et la sobriété de la mise en scène,
au service exclusif de la narration, et par l'interprétation des
acteurs, en particulier, évidemment, celle de Fabrice Luchini dans un rôle décisif écrit pour lui et qui contribuera assez largement à sa notoriété et à celle du film. Parce qu'enfin Christian Vincent semblait apporter une alternative au cinéma d'Eric Rohmer
dont les productions, au cours des années 1980, n'atteignaient plus,
loin s'en faut, le niveau de celles de la décennie précédente. Un prix à
la Mostra de Venise et trois "César", sur cinq nominations, vinrent justement récompenser une Discrète... qui ne l'était désormais plus.
En venant chercher à l'improviste son amie Solange à la gare de l'Est, Antoine
contraint celle-ci, d'ailleurs accompagnée par un nouvel amant, à lui
annoncer sa volonté de mettre un terme à leur longue relation. Parce
qu'il aurait voulu prendre l'initiative de cette rupture et pour se
venger de Solange et de la gent féminine en général, le jeune
attaché parlementaire imagine alors de séduire une inconnue avec pour
objectif de sèchement l'abandonner. Emballé par cette idée, Jean Costal,
l'ami libraire avec lequel il collabore quelques fois, convainc un
éditeur d'en publier le récit sous forme d'un journal intime. Antoine accepte cette publication et une annonce est passée pour trouver l'innocente victime de ce stratagème. C'est donc à Catherine Legeay, une provinciale récemment revenue de Londres, qu'Antoine
confie le soin de dactylographier un manuscrit, prétexte à la
rencontre. Mais l'apparence de la jeune femme l'incite à vouloir revenir
sur son engagement. Jean s'y oppose fermement. Antoine,
refusant toute implication personnelle, propose alors de suivre à la
lettre les indications de son ami sur la conduite à tenir.
Plus de quinze ans après, le charme, un peu magique, de La Discrète opère toujours. La rigueur et la finesse de Christian Vincent et Jean-Pierre Ronssin
dans l'écriture de leur histoire, à la saveur douce-amère, et le
classicisme de son traitement en font un des films les plus réjouissants
du cinéma français de son époque. Le scénario sait habilement ménager,
au cours de son deuxième acte, une palpable tension et l'intrigue,
malgré son apparente simplicité et sa linéarité, comporte des zones
d'ombre, notamment à propos de ses personnages, qui resteront finalement
inélucidées. Le trio d'acteurs principaux a également, pour une bonne
part, participé au succès du film. Maurice Garrel qui sait donner à son rôle (pour lequel Michael Lonsdale avait été pressenti) une virulente et trouble ambiguïté, la touchante et formidable débutante (au cinéma dans un rôle important) Judith Henry dont la fraîche spontanéité apporte un heureux contraste au docte et remarquable Fabrice Luchini, lequel réussit l'exploit de rendre son personnage drôle et, surtout, sympathique.
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