"T'as vu toutes ces étoiles..."
Troisième long métrage de Jean-Jacques Beineix après Diva salué par un fantastique engouement populaire* puis le coûteux et intéressant La Lune dans le caniveau sélectionné à Cannes, encore plus radical dans sa conception que le précédent mais éreinté par la critique, 37°2 le matin
redore le blason d'un réalisateur à l'origine d'un certain renouveau du
cinéma français à l'aube des années 1980. Car en adaptant, après David Goodis, le troisième roman de Philippe Djian publié en 1985, Beineix
choisit résolument de se colleter avec une certaine forme de modernité,
pas seulement littéraire. Bien dans l'air du temps comme Le Grand bleu deux ans plus tard, le film connut un franc succès**, permettant au public de découvrir un écrivain et une nouvelle actrice.
Zorg vit et travaille à Gruissan. Sa rencontre avec la pulpeuse Betty
va modifier sensiblement le cours jusque là tranquille de son
existence. Car déjà très attachée à son partenaire, la jeune femme a
découvert, au cours d'un rangement sauvage, le manuscrit d'un roman.
Convaincue que Zorg est le plus grand écrivain de sa
génération, elle s'oppose au patron de celui-ci et les amants sont
contraints de partir pour la région parisienne après que Betty ait mis volontairement le feu à leur bungalow. Le couple y est hébergé dans le petit hôtel de Lisa, la sœur de Betty, cette dernière s'occupant alors d'envoyer le livre de Zorg aux éditeurs. Le trio est bientôt rejoint par Eddy, le nouvel ami de Lisa,
un restaurateur drôle et exubérant. Mais la mère de celui-ci décède et
ses amis l'accompagnent à l'enterrement dans un petit village de Lozère.
Ne pas reconnaître l'importance de 37°2 le matin
à son époque serait nier une évidence***. Cette histoire d'amour à la
fois légère et grave, sur fond d'écriture, a touché le public et imposé,
au moins provisoirement, ses auteurs. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas Philippe Djian
d'avoir adopté une attitude distante vis à vis de cette adaptation,
considérant qu'elle est très différente de son roman, voire opposée.
Comme dans ses précédents films, Beineix
privilégie, au risque de la gratuité, l'image, le décor et le détail
plus que l'intrigue elle-même et sa cohérence ou vraisemblance ; sa
démarche esthétisante a souvent été stigmatisée comme un élément
contrariant l'efficacité de la narration. C'est en partie vrai, même si
l'artifice et l'arythmie (patente dans la version de près de trois heures, soit une de plus que la version salles en 1986) font partie intégrante du style du cinéaste.
La
critique la plus sévère formulée contre le film, et avant lui sur le
livre dont il est tiré, est son caractère faussement subversif. Vingt
ans après, la vacuité de certains dialogues est encore plus marquée tout
comme la crudité des scènes de nudité et de sexe (dont celle qui ouvre le film)
apparaît superflue. En revanche il faut louer le talent des acteurs, y
compris les seconds rôles, et souligner en particulier l'étonnante
alchimie entre Jean-Hugues Anglade et la jeune débutante Béatrice Dalle qui apporte au personnage de Betty un subtil et idéal mélange de naturel et de vulgarité.
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*et gratifié de quatre "César" dont celui de la meilleure première œuvre, devenu l'objet d'un véritable culte.
**sélectionné aux Academy Awards et aux Golden Globes et nommé dans
neuf catégories des "César", ne l'emportant que dans celle de la
meilleure affiche.
***on peut toutefois lui préférer, c'est mon cas, le Mauvais sang de Léos Carax sorti la même année.
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