"Est-ce que vous êtes honnête, Miss Polly ?"
On connaît généralement mieux le travail de photographe de William Klein que son cinéma. L'ancien collaborateur du magazine "Vogue",
friand de décors naturels et urbains et pionnier de l'usage du
grand-angle et des longues focales dans un milieu paradoxalement très
conservateur, décide pourtant, au début des années 1960, après avoir
tourné un court-métrage, de troquer durablement ses boîtiers contre une
caméra. L'inclassable Qui êtes-vous, Polly Maggoo ?, "Prix Jean Vigo" 1967, est sa première œuvre de fiction. Financé par l'éditeur*, publicitaire et producteur de Robert Bresson, Robert Delpire,
le film s'amuse, bien sûr, à caricaturer la haute couture mais aussi la
télévision tout en captant l'air, pas encore insurrectionnel, du temps.
Après le défilé alum(in)é du couturier Isidore Ducasse, Polly Maggoo, mannequin-vedette d'origine américaine vivant à Paris, est le sujet de l'émission télévisée périodique "Qui êtes-vous... ?" réalisée par les journalistes Grégoire Pecque et Jean-Jacques Georges. Mais ce que ne sait pas l'angélique jeune femme, c'est qu'elle est secrètement aimée par le prince Igor d'un royaume d'Europe centrale. La reine-mère de ce grand enfant gâté charge son staretz de tout mettre en œuvre pour que son fils puisse réaliser son rêve, faire de Polly sa princesse.
Difficile, à la seule vue de Polly Maggoo, de se faire une opinion définitive sur le talent du cinéaste William Klein. Si les aspects visuels sont, évidemment, attrayants, reposant également, en partie, sur le travail du chef-opérateur Jean Boffety (lequel fera une jolie carrière aux côtés notamment de Sautet et de Robert Enrico),
la dimension parodique n'est pas illusoire. La patte de l'étudiant en
sociologie et auteur de plusieurs reportages pour l'émission "Cinq colonnes à la une" (dont "Les Français et la politique" qui sera censuré) croise, en effet, avec un certain bonheur, celle du collaborateur de Louis Malle pour Zazie dans le métro. Le film, malgré (grâce à ?) ses évidentes maladresses, vaut aussi pour son casting insensé et pour le génie graphique de Roland Topor qui, en plus du petit rôle qui lui est confié, a dessiné le splendide et amusant générique final.
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*des œuvres de Cartier-Bresson, Brassaï, Doisneau, Lartigue, Bischof...
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