mardi 8 novembre 2005

Les Pas perdus


"C'est un pays, la Folie ?"

Connaissez-vous le point commun entre Le Triporteur, Les Vieux de la vieille, Le Drapeau noir flotte sur la marmite et La Soupe aux choux ? Ces quatre "monuments" de la comédie à la française sont des adaptations de romans de René Fallet. Mais il serait probablement dommage de rester sur cette seule impression. L'auteur est aussi à l'origine de Porte des Lilas, l'une des solides œuvres de René Clair. Avant Paris au mois d'août, il signe et adapte cet insolite Les Pas perdus, l'unique long métrage en tant que réalisateur du chef opérateur d'Alain Jessua, Jacques Robin. On hésite entre retenue et bienveillance à l'égard du film, mais le dernier sentiment l'emporte finalement.
Georges Guichard est un jeune illustrateur d'affiches de cinéma pour la société Publidécor. Un soir qu'il traîne dans le quartier St-Lazare, il aperçoit de dos, dans la salle de cinéma où il est entré, une femme blonde en manteau d'ocelot. Il s'assied à côté d'elle, la suit lorsqu'elle quitte la séance et l'aborde. Cette femme mariée et mère de famille accepte de prendre rapidement un verre avec lui. Georges lui lance, alors qu'elle s'en va, un rendez-vous au même endroit pour le lendemain. Il attendra en vain mais, de retour chez lui, un petit mot signé Yolande "Paille de fer" a été glissé sous sa porte lui promettant une nouvelle rencontre. De fait, Yolande Simonnet se présente à l'improviste au matin alors que Georges est encore en pyjama. Elle deviendra, peu après, sa maîtresse. Dans le même temps, une collègue de Georges, Sonia, appelée Mazurka en raison de son origine hongroise, revenue d'Australie, apprend avec affectation cette liaison.
Les Pas perdus développe une intrigue, somme toute, assez banale d'adultère entre un jeune homme et une femme plus mûre, mais le charme opère sans que l'on sache spontanément très bien pourquoi. Comme son titre le suggère incidemment, le film consiste en une longue attente d'un événement dont on ne présuppose pas la nature et qui, peut-être, ne se produira pas. Mais dans la mesure où les dialogues sont plutôt inspirés (dont un "T'as de bons yeux", probable référence détournée à un célèbre film de Marcel Carné), la photographie en décors naturels et urbains et la mise en scène réussies et l'interprétation des acteurs assez solide, on cerne mieux, après réflexion, le phénomène de séduction en question. Les Pas perdus réunit un couple inédit au cinéma (et qui restera une expérience unique*) : la toujours très belle Michèle Morgan et l'excellent Jean-Louis Trintignant, alors en pleine ascension, l'un des rares acteurs à pouvoir passer si aisément et, surtout, si naturellement de la gravité à la légèreté (et inversement), ce qu'il démontre notamment dans ce film.
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*les deux acteurs s'étaient "croisés" dans Le Puits aux trois vérités de François Villiers et le feront encore sur le tournage d'Un homme et une femme, 20 ans déjà de Claude Lelouch.

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