"Seul dans ma triste mémoire, tout est vivant."
En 2001, Manoel de Oliveira devient le doyen des cinéastes en activité en même temps que sortent, à quelques mois d'intervalle, Je rentre à la maison (présenté à Cannes) et Porto da Minha Infância. Ce moyen métrage (58 minutes)
nous offre une promenade dans le Porto d'hier et d'aujourd'hui, au
rythme des souvenirs du réalisateur. A quelques encâblures du
centenaire, de Oliveira
ressent le besoin de faire ce travail de mémoire, de faire connaître
aux spectateurs habituels, et aux autres, le "terreau" à partir duquel
s'est construit son travail de créateur. La tonalité est, évidemment, à
la saudade (nostalgie), voire à la gravité. Mais l'humour, la
légèreté et l'espoir ne sont pas pour autant absents de ce documentaire
poétique en prose.
Le
voyage dans le temps personnel de l'auteur commence avec une
photographie de la maison familiale, en ruines, puis avec une
représentation de l'opérette "Miss Diabo" donnée au théâtre Sa da Bandeira, à l'origine de la vocation de de Oliveira
pour le cinéma. Après sa période bohème, comme il l'appelle, et sa
passion pour les sports, le jeune homme caresse, en effet, le rêve de
devenir acteur. Il le sera, fugitivement, chez José Cottinelli Telmo et João Botelho,
ou dans cet étrange rôle de voleur placide et musicien qu'il se donne
dans le film. Les transformations de sa ville et de ses lieux familiers
sont évoquées avec un subtile mélange de mélancolie et d'amusement.
Premier amour, famille, amis, événements traditionnels ou insolites,
artistes significatifs sont intimement convoqués et liés dans cet
harmonieux montage d'images d'archives, d'extraits de films (dont le superbe Aniki Bóbó) et de reconstitutions.
Le récit est également délicatement ponctué de l'extrait d'un texte d'Agustina Bessa-Luis, un important écrivain portugais avec lequelle de Oliveira a collaboré à plusieurs reprises, et de "Regresso ao Lar",
poème de Guerra Junqueiro, paru en 1892, chanté par l'épouse du
réalisateur, Maria Isabel de Oliveira. Le film s'achève avec le plan
d'un phare à l'extrémité d'une jetée, réplique colorée de l'ouverture de
Douro, Faina Fluvial, le tout premier court métrage de Manoel de Oliveira. Une profession de foi stoïcienne ou une manière d'achever un cycle ?
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