mercredi 16 novembre 2005

Carmen Jones


"Frankie : Somethin' tells me Chicago's gonna be real good for you.
Myrt : Somethin' tells me you gonna be real bad for Chicago."

Deuxième des trois expériences d'Otto Preminger* dans la comédie musicale, Carmen Jones est une libre version modernisée et transposée dans les Etats-Unis de la Seconde Guerre mondiale du célèbre opéra de Georges Bizet. Sa particularité est de n'employer que des acteurs et figurants afro-américains, ce qui n'était pas particulièrement bien vu à Hollywood à cette époque. Tourné, à la demande express de Darryl Zanuck, en CinemaScope comme River of No Return qui le précédait, le film marque également la rupture définitive du cinéaste avec la Fox pour laquelle il était sous contrat depuis 1936. Présenté en clôture (hors compétition) du Festival de Cannes 1955, il resta inédit en France jusqu'en 1981 en raison de l'opposition des héritiers de Bizet. Carmen Jones reçut, la même année, le "Golden Globe" de la meilleure comédie et le prix du Festival de Locarno.
Cindy Lou vient rendre visite à son fiancé, Joe, caporal à la base militaire de Jacksonville et futur élève-pilote de l'armée. Celui-ci a, le lendemain, une permission de vingt-quatre heures et lui propose d'en profiter pour l'épouser. Mais une bagarre oppose Carmen Jones à une de ses collègues de l'atelier de pliage de parachutes et Joe voit sa permission annulée par le sergent Brown pour emmener la provocatrice à la police de Masonville. En route, Carmen, tente, en vain, de séduire son escorte et de s'enfuir. Lorsque, en empruntant un raccourci, la Jeep à bord de laquelle ils se trouvent tombe dans une rivière, la jeune femme réussit à convaincre celui qu'elle convoite de passer par chez elle pour attraper à proximité le train de Masonville. Joe ne tarde pas à tomber dans les filets de la séductrice. Au matin, la belle s'est envolée et Joe, ayant failli à sa mission, est emprisonné. Carmen, qui attend avec impatience la libération de son amant, se voit proposer par le futur champion du monde de boxe Husky Miller de partir avec lui à Chicago où doit se dérouler son combat contre le brésilien Kid Pancho.
Porté plus de cinquante fois à l'écran (grand ou petit), dont une version muette (sic) d'Ernst Lubitsch de 1918 avec Pola Negri dans le rôle-titre, le drame, devenu lyrique, de Prosper Mérimée trouve, avec Carmen Jones, une plaisante variation. Si le film ne possède pas le charme classique et opératique de la version de Francesco Rosi ou la latinité chorégraphique de celle de Carlos Saura, Preminger réussit néanmoins à offrir un spectacle d'une très bonne tenue et à peu près pertinent au niveau du contenu. Le livret d'Oscar Hammerstein II n'est, en effet, pas vraiment d'une très grande finesse, mais le réalisateur parvient à faire surgir de ce finalement banal trio amoureux quelques éclats de la tragédie du destin de l'œuvre originelle.
Le CinemaScope a, de manière très nette, aidé Preminger dans sa mise en scène. Peu amateur de la multiplication des plans, le réalisateur offre à son film un montage peu intensif sans pour autant nuire à son rythme. Nul doute que le succès du film a dû influencer Samuel Goldwyn lorsqu'il a été question de remplacer Rouben Mamoulian pour la direction de Porgy and Bess. Les acteurs principaux, bien que dotés de qualités vocales reconnues, sont doublés et c'est la remarquable mezzo soprano Marilyn Horne qui se substitue à Dorothy Dandridge pour les parties chantées. Cette dernière, devenue très proche du réalisateur pendant le tournage, fut la première actrice afro-américaine à être nommée aux Academy Awards dans la catégorie "meilleure actrice. C'est, il est vrai, en grande partie sur sa prestation que repose la qualité du film.

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*qui avait travaillé à Broadway au cours des années 1930.

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