"... Rêve ou réalité."
Avec ce onzième et pénultième long métrage de Kim Ki-duk
apparaît ou se confirme une règle simple mais inéluctable : plus on
voit les films du réalisateur sud-coréen, plus on apprécie son univers
particulier ainsi que la cohérence et la qualité de son cinéma. Bin-jip (maison vide) se situe à la croisée des chemins de ses deux précédentes oeuvres, drame urbain (mais moins virulent que Samaria) et conte poétique (à l'image de Bom yeoreum...). A partir d'une idée de départ simple, presque enfantine (le pitch n'est-il pas une version modernisée de la fable "Bouton d'or" ?), mais traitée avec finesse et élégance, le cinéaste nous invite à une très jolie errance imaginaire. Bin-jip a reçu le "Lion d'argent" (prix de la mise en scène) de la 61e édition de la Mostra de Venise.
Un
inconnu circulant en moto appose des documents publicitaires sur les
portes des appartements ou maisons d'un quartier. Puis il revient et,
repérant grâce à ses prospectus les habitations vides, y pénètrent et
s'y installe provisoirement. Il profite de sa présence pour rendre
service, laver le linge des occupants ou réparer les objets en panne ou
endommagés. Un soir, il jette son dévolu, toujours selon le même
procédé, sur une maison dans laquelle il est surpris par la jeune
épouse, maltraitée et prostrée, du propriétaire des lieux. Celui-ci ne
tarde pas à rentrer et à s'en prendre à nouveau à sa femme, Sun-houa.
Le jeune homme sort alors de sa cachette, neutralise le tyran en lui
expédiant trois balles de golf avec un fer 3 et sort de la maison. Sun-houa le rejoint presque aussitôt et ils partent ensemble, la jeune femme s'associant désormais au rituel de son nouveau compagnon.
C'est un truisme à présent de qualifier le cinéma de Kim Ki-duk
d'incomparable. Tous ses films sont fortement personnels, l'implication
de l'auteur est en permanence évidente. Fidèle à son mode de
production, indépendant et condensé, il finalise la réalisation de ce
projet en moins de soixante jours, montage compris. Bin-jip
n'a pourtant rien d'un film bâclé, bien au contraire. Le cinéaste se
permet aussi de prendre des risques en utilisant pertinemment les vertus
du film muet. A une époque où le verb(iag)e domine, à tort ou à
raison, sans partage, c'est une perception globale, plus intuitive, qui
est, à nouveau ici, sollicitée. A travers cette métaphore empreinte des
affinités électives et de la recherche du double, c'est bien d'un
conflit social dont il est question. Il y a, incontestablement, une
dimension autiste, une des caractéristiques de la société coréenne, dans
ce film qui trouve un puissant écho chez tous ceux qui n'ont pas
définitivement laissé leur jardin intérieur à l'abandon. Et pour nous
dérouter tout à fait, Kim Ki-duk berce son histoire (presque) sans paroles avec "Gafsa", une chanson orientale de Natacha Atlas.
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