"Pourquoi avez-vous cette étrange attirance pour le malheur ?"
L'idée de porter à l'écran "Tess of the d'Urbervilles", le roman de Thomas Hardy paru en 1891, aurait été celle de Sharon Tate, l'épouse de Roman Polanski.
Sorti dix ans après sa tragique disparition, le film lui est d'ailleurs
dédié. L'ouvrage avait déjà été, à l'époque du muet, adapté à deux
reprises. Classique mélodrame romantique situé dans l'Angleterre
victorienne, Tess est une œuvre plaisante, surtout sur le plan visuel, mais moins convaincante que Far From the Madding Crowd de John Schlesinger, tiré du même auteur. Cette production franco-britannique a surtout révélé la jeune Nastassja Kinski, qui venait d'être la partenaire de Marcello Mastroianni dans un film assez quelconque d'Alberto Lattuada. Récompensé par trois "César" (meilleurs film, réalisateur et photographie) en 1980, Tess avait la particularité d'être sélectionné dans deux des catégories majeures des Academy Awards et des Golden Globes (subissant à chaque fois la loi d'Ordinary People, le premier film du réalisateur Robert Redford) et dans celle des films étrangers de cette dernière compétition.
John Durbeyfield,
un pauvre et éthylique revendeur de produits fermiers, apprend d'un
prêtre versé en histoire et en généalogie, qu'il descend en ligne
directe des chevaliers d'Urbervilles. Lui et sa femme ont alors l'idée
d'envoyer leur fille aînée de six enfants, Teresa (Tess), demander du travail à une parente installée dans le manoir de Trantridge. Elle y rencontre son "cousin" Alexander (Alec), le fils de Mrs. d'Urbervilles, laquelle lui confie un emploi dans son poulailler. Tess apprend bientôt que le nom d'Urbervilles a, en réalité, été acquis par le défunt mari, né Stoke, de sa patronne. Un soir, revenant d'une fête au village, elle est abusée par Alec
et en devient la maîtresse. Enceinte, elle le quitte, quatre mois plus
tard, pour aller travailler dans les champs près de chez elle. Mais son
enfant meurt et elle part alors rejoindre la laiterie de Mr. Crick où elle retrouve Angel Clare,
le fils d'un pasteur, croisé fugitivement dans un bal champêtre et dont
elle s'éprend. Les deux jeunes gens se marient malgré l'opinion
défavorable des parents du garçon. La nuit de noces, Tess,
encouragée par une confession de son nouvel époux, relate les
mésaventures qu'elle n'a jamais osé lui avouer par peur de le perdre.
Désillusionné, Angel lui demande de partir et décide de s'embarquer pour le Brésil.
Tourné en France où Polanski était venu se réfugier en raison d'ennuis judiciaires aux Etats-Unis, Tess manque de ce souffle dramatique, de cette saisissante vibration lyrique d'un Wuthering Heights ou du récent Days of Heaven, susceptibles d'emporter une adhésion sans borne de la part du spectateur. Ce long (près de trois heures) portrait de cette jeune femme victime de son temps et de sa condition sociale n'est pas sans intérêt et la photographie de Geoffrey Unsworth et Ghislain Cloquet,
fidèle aux atmosphères grises et brumeuses du livre, est réussie. Mais
cela suffit-il à faire un réel bon film ? Le réalisateur et ses
scénaristes n'auraient-ils pas dû prendre quelques libertés par rapport
au roman, en évoquant, de manière moins anecdotique*, les mutations
économiques et sociales qui intervenaient en ce milieu du XIXe siècle ?
Quant à l'actrice principale, relativement bien entourée, notamment par
quelques uns des nombreux seconds rôle, son talent réside principalement
dans la qualité de son regard.
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*la mécanisation du travail et des transports ou la naissance du socialisme sont seulement suggérées.
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