mercredi 26 octobre 2005

Akoibon


"- ... Du coq à l'âne...
- Sans queue ni tête.
- Oui, mais coq à l'âne c'est plus joli, il y a des animaux, non ? "

La trajectoire du sympathique Edouard Baer réalisateur illustre la difficile transition entre la radio-télévision et le cinéma. Qu'on le veuille ou non, le langage de ce dernier est différent, la durée et la continuité y sont essentielles. S'il avait pu, plus ou moins, surprendre avec son premier long métrage, l'ancien partenaire d'Ariel Wizman, avec cet Akoibon au titre un tant soit peu masochiste*, a du mal à convaincre, au-delà du cercle de fidèles, de la valeur et de la pérennité de son humour et de la douceur de sa folie. Baer serait-il victime de son atypie cultivée ?
Nader et son ami Christophe sont brutalement enlevés par quatre individus alors qu'ils vendent des chaussures de sport à la sauvette. Emmenés dans un théâtre, ils rencontrent l'inquiétante Madame Paule et ses sbires. En échange de la libération de son ami, Nader se voit confier la mission de permettre la capture de Chris Barnes, un ancien acteur de la jet set sur le déclin et propriétaire d'un hôtel, la "Villa Mektoub", sur l'île de Santa Esmeralda. Sur le bateau qui l'emmène à destination, Nader croise Daniel Stain, un architecte éthéré et indécis ayant abandonné sa femme en salle d'accouchement et sa famille nombreuse pour rencontrer Betsy avec laquelle il a correspondu sur le net. Parce qu'il redoute cette rencontre, il se laisse convaincre d'échanger son identité avec Nader.
En se montrant sévère, car il n'est pas foncièrement déplaisant, on peut affirmer qu'Akoibon est le modèle de ce qu'il ne faut pas faire au cinéma. Réunir un joli casting et composer un bout-à-bout de sketchs n'a jamais fait un bon film. Et il manque le plus important : une histoire. En voulant rompre à tous prix avec les conventions, multiplier les références plus ou moins fines (la tardive reprise du score de North by Northwest par ex.), Edouard Baer prend le risque de se perdre et... de n'arriver nulle part. Il y parvient presque. Il prend aussi celui de nuire à ses acteurs. Jean Rochefort avait-il besoin de ce rôle un peu pathétique pour affirmer son talent d'acteur de comédie capable de loufoquerie ? L'image de Marie Denarnaud, appréciée dans Les Corps impatients, ne sera-t-elle pas troublée par ce personnage sans consistance qu'elle doit assumer ? Chiara Mastroianni serait-elle à cours de propositions de tournage depuis le bien plus intéressant Il est plus facile pour un chameau... pour devoir accepter d'être l'épouse sans charme du personnage joué par Benoît Poelvoorde, cantonné lui dans son registre habituel ? Ces deux derniers nous offrent pourtant la scène la plus drôle du film, avec une malicieuse substitution de "jouir" par "jouer". Sans parler de la mise en abyme, intervenant une heure après le début du film, qui tient plus de celle de la "vache qui rit" que de La Nuit américaine.
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*même, et surtout, s'il est inspiré d'une chanson de Gainsbourg !




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