"... Mais il est difficile de décider pour les autres comment ils doivent aimer."
Troisième long métrage de Radu Mihaileanu, Va, vis et deviens
est, sauf erreur, le premier film de fiction à s'inspirer d'un fait
devenu historique, survenu entre novembre 1984 et janvier 1985, dont le
retentissement a été, à l'époque, planétaire, le sauvetage de dizaines
de milliers de Juifs d'Ethiopie, baptisés falashas (en amharique, "exilés"),
par leur immigration en Israël via le Soudan et l'Europe. L'enjeu de
cette production internationale est, bien sûr, à la dimension de
l'événement. Le réalisateur d'origine roumaine possède d'indéniables
qualités de conteur et il pose, évidemment, à travers les thèmes de
l'intégration et du mensonge, quelques bonnes questions. Mais,
apparemment plus à l'aise dans la comédie dramatique, il ne réussit
cependant pas à donner à son film, "Prix du jury" et "Prix du public" de la section Panorama de la 55e Berlinale, une réelle intensité tragique et une portée politique, au sens noble du terme, incontestable.
Fin
1984, des centaines de milliers de familles africaines sont regroupées
dans des camps au Soudan. Parmi eux, quatre mille survivants sur les
huit mille Juifs éthiopiens expatriés de la région de Gondar, victimes
de la famine, de la guerre civile régnant dans le pays du dictateur
Mengistu et de l'ostracisme de leurs compatriotes. Ils sont réunis à Um
Raquba, dans l'attente d'être emmenés en Israël dans le cadre de l'"Opération Moïse"
organisée, avec le soutien des Etats-Unis, par le gouvernement d'union
nationale de Shimon Peres. Quelques heures avant le départ des camions
pour Khartoum, Schlomo, le jeune fils de Hana, meurt dans les bras de sa mère sous les yeux de Kidane,
une Ethiopienne chrétienne. Celle-ci ordonne à son propre fils, âgé de
neuf ans, de prendre, pour sauver sa vie et avec la complicité de Hana, l'identité du défunt. Schlomo
arrive en Terre Sainte, se fait passer pour Juif, apprend l'hébreu avec
facilité puis est scolarisé. Mais les changements dans son mode de vie,
son isolement et, surtout, la séparation d'avec sa mère biologique le
perturbent. Il ne s'alimente plus et fait preuve d'agressivité vis à vis
de ses camarades, le phénomène s'aggravant lorsque Hana, malade, décède. Considéré comme orphelin, il est confié à une famille adoptive francophone, celle de Yaël et Yoram Harrari et leurs deux enfants naturels, Tali et Dany.
Va, vis et deviens aurait dû pouvoir se démarquer largement du sympathique Sof Ha'Olam Smola d'Avi Nesher sorti un an auparavant. Au final, l'ancien assistant de Marco Ferreri et de Jean-Pierre Mocky*
n'enfonce que des portes ouvertes. Tout être humain, quelque soit sa
couleur ou sa religion, mérite, bien sûr, d'être sauvé s'il ne constitue
pas un danger réel et sérieux pour le groupe qui l'accueille. Oui, la
société civile israélienne, issue des victimes de la plus terrible
tentative d'extermination et de déshumanisation de l'Histoire, est
susceptible de générer de la discrimination, preuve supplémentaire de la
supériorité de la peur et de l'instinct sur la mémoire et la raison
chez l'homme. Après une première partie, pleine d'émotions, plutôt
réussie où s'entremêlent destin personnel et histoire collective,
l'engagement polémique et la caricature l'emportent malheureusement en
même temps que s'étire la durée et se resserre le champs du récit autour
du personnage de Schlomo adulte, ce dernier mouvement donnant brutalement à la bande musicale une emphase inopportune. Dommage.
___
*ainsi que de Fernando Trueba, Nicole Garcia et Edouard Niermans pour être exhaustif.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire