mardi 11 octobre 2005

Va, vis et deviens


"... Mais il est difficile de décider pour les autres comment ils doivent aimer."

Troisième long métrage de Radu Mihaileanu, Va, vis et deviens est, sauf erreur, le premier film de fiction à s'inspirer d'un fait devenu historique, survenu entre novembre 1984 et janvier 1985, dont le retentissement a été, à l'époque, planétaire, le sauvetage de dizaines de milliers de Juifs d'Ethiopie, baptisés falashas (en amharique, "exilés"), par leur immigration en Israël via le Soudan et l'Europe. L'enjeu de cette production internationale est, bien sûr, à la dimension de l'événement. Le réalisateur d'origine roumaine possède d'indéniables qualités de conteur et il pose, évidemment, à travers les thèmes de l'intégration et du mensonge, quelques bonnes questions. Mais, apparemment plus à l'aise dans la comédie dramatique, il ne réussit cependant pas à donner à son film, "Prix du jury" et "Prix du public" de la section Panorama de la 55e Berlinale, une réelle intensité tragique et une portée politique, au sens noble du terme, incontestable.
Fin 1984, des centaines de milliers de familles africaines sont regroupées dans des camps au Soudan. Parmi eux, quatre mille survivants sur les huit mille Juifs éthiopiens expatriés de la région de Gondar, victimes de la famine, de la guerre civile régnant dans le pays du dictateur Mengistu et de l'ostracisme de leurs compatriotes. Ils sont réunis à Um Raquba, dans l'attente d'être emmenés en Israël dans le cadre de l'"Opération Moïse" organisée, avec le soutien des Etats-Unis, par le gouvernement d'union nationale de Shimon Peres. Quelques heures avant le départ des camions pour Khartoum, Schlomo, le jeune fils de Hana, meurt dans les bras de sa mère sous les yeux de Kidane, une Ethiopienne chrétienne. Celle-ci ordonne à son propre fils, âgé de neuf ans, de prendre, pour sauver sa vie et avec la complicité de Hana, l'identité du défunt. Schlomo arrive en Terre Sainte, se fait passer pour Juif, apprend l'hébreu avec facilité puis est scolarisé. Mais les changements dans son mode de vie, son isolement et, surtout, la séparation d'avec sa mère biologique le perturbent. Il ne s'alimente plus et fait preuve d'agressivité vis à vis de ses camarades, le phénomène s'aggravant lorsque Hana, malade, décède. Considéré comme orphelin, il est confié à une famille adoptive francophone, celle de Yaël et Yoram Harrari et leurs deux enfants naturels, Tali et Dany.
Va, vis et deviens aurait dû pouvoir se démarquer largement du sympathique Sof Ha'Olam Smola d'Avi Nesher sorti un an auparavant. Au final, l'ancien assistant de Marco Ferreri et de Jean-Pierre Mocky* n'enfonce que des portes ouvertes. Tout être humain, quelque soit sa couleur ou sa religion, mérite, bien sûr, d'être sauvé s'il ne constitue pas un danger réel et sérieux pour le groupe qui l'accueille. Oui, la société civile israélienne, issue des victimes de la plus terrible tentative d'extermination et de déshumanisation de l'Histoire, est susceptible de générer de la discrimination, preuve supplémentaire de la supériorité de la peur et de l'instinct sur la mémoire et la raison chez l'homme. Après une première partie, pleine d'émotions, plutôt réussie où s'entremêlent destin personnel et histoire collective, l'engagement polémique et la caricature l'emportent malheureusement en même temps que s'étire la durée et se resserre le champs du récit autour du personnage de Schlomo adulte, ce dernier mouvement donnant brutalement à la bande musicale une emphase inopportune. Dommage.
___
*ainsi que de Fernando Trueba, Nicole Garcia et Edouard Niermans pour être exhaustif.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire