jeudi 20 octobre 2005

Des Racines & des ailes : Rio de Janeiro


"... Il pensait avant dans son pays que dans soi-même."

Patrick de Carolis reçoit ses invités dans les jardins du palais Itamaraty, l'ancien siège de la présidence puis du ministère des affaires étrangères, pour évoquer l'histoire et la culture du pays et de la deuxième plus grande ville du Brésil derrière São Paulo. Découverte en janvier 1502 par le navigateur portugais Gaspar de Lemos, Rio ne comptait en 1880 que soixante-sept mille Cariocas. Son agglomération, qui a notamment vu les tournages de Blame It on Rio de Stanley Donen, O Que É Isso, Companheiro? de Bruno Barreto ou encore le remarquable Cidade de Deus de Fernando Meirelles, dépasse aujourd'hui, entre tours, maisons coloniales et favelas, les dix millions d'habitants.
Luiz Antonio Ewbank, le conservateur du palais Itamaraty, Pedro Correa do Lago, le président de la Bibliothèque nationale, Rosiska Darcy de Oliveira, écrivain, Vincent Rosenblatt, photographe et fondateur de l'association "Olhares do morro" et Angelo Oswaldo de Araujo Santos, maire d'Ouro Preto apportent successivement leurs commentaires sur les événements, les figures marquantes de l'histoire et de la vie culturelle du Brésil, sur son identité raciale et sociale.

La France à Rio
Ce sont les Français qui, en 1555, conduits par l'amiral Villegagnon, né en Champagne, fondèrent les premières fortifications de la ville, situées sur une île de la baie. Le site verra s'opposer Français, Espagnols et Portugais, ces derniers l'emportant finalement neuf ans plus tard. Romaric Sulger-Buel, français naturalisé brésilien, introduit et rappelle les influences françaises sur le patrimoine architectural de cette ville hétéroclite où cohabitent baroque, néoclassique et modernisme. En particulier celle exercée par Auguste-Henri-Victor Grandjean de Montigny, arrivé en 1816 comme membre de la Mission artistique française. Romaric nous sert de guide à travers les quartiers qu'il affectionne le plus ou à l'intérieur du Musée historique national et nous introduit auprès de son ami Jean Boghici, un collectionneur d'art propriétaire, entre autres, d'aquarelles de Jean-Baptiste Debret, lesquelles constituent de véritables reportages illustrés sur la vie quotidienne au Brésil au début du XIXe siècle.
Dom Joao d'Orleans-Bragance, descendant de l'empereur Pedro II, nous emmène dans sa superbe résidence de Parati et à Petropolis où a été édifié, en 1845, le palais impérial de son ancêtre. Après un détour par le Copacabana Palace, le premier hôtel de luxe d'Amérique latine, construit par un architecte français en 1907, nous suivons une jeune brésilienne d'origine française dans la forêt urbaine située sur les hauteurs de la ville, sur la célèbre plage d'Ipanema où elle a ses amis et habitudes et dans ses lieux nocturnes préférés.

Salvador la métisse
Après l'arrivée des Portugais dans la "Baie de tous les saints" en 1548 et la fondation de Salvador de Bahia, première capitale du Brésil, la traite des esclaves venus d'Afrique a contribué à faire de cette région l'une des plus métissées sur le plan humain et culturel du pays. Son patrimoine fait l'objet de toutes les attentions et préservations, en particulier celles de l'architecte Adolfo Roriz très attaché à une très ancienne fabrique de sucre en bordure de mer et au vieux quartier de Pelourinho, classé par l'UNESCO et restauré depuis 1992. Ce mélange, racial, artistique et religieux est aussi toujours vivace. Diego dos Santos Oliveira enseigne la capoeira, art martial acrobatique mâtiné de danse créé au XVIe par les esclaves noirs. Jusa Santos Ventura et sa mère Faustina pratiquent le syncrétisme, processus par lequel deux religions, ici le christianisme et les cultes africains, fusionnent pour en former une nouvelle. La styliste Goya Lopes s'inspire de motifs afro-brésiliens pour son entreprise de prêt à porter. Nelson Mendes, le responsable du système d'éducation "Olodum", forme des enfants de milieux défavorisés au samba-reggae. Le musicien et ministre Gilberto Gil souligne l'importance de ce métissage culturel pour la vie politique et sociale du Brésil démocratique. Tania Pereira de Jesus conserve ses traditions ancestrales en participant activement à la préparation (choix des ingrédients au marché) et, sous la direction de Mae Beata, à l'organisation d'une cérémonie rituelle de possession Yoruba identique à celles pratiquées au Nigéria.


Au pays de l'or et du café
Le Minas Gerais était-il l'Eldorado convoité par les conquistadores ? Probablement pas, mais la région a connu un développement fantastique grâce à l'exploitation de l'or et Ouro Preto (or noir), fondée à la fin du XVIIe siècle, a longtemps été la ville la plus importante d'Amérique... à l'époque où New York n'était qu'un village. Angelo Oswaldo de Araujo Santos, qui entame son second mandat de maire et Angela Gutierrez, une grande fortune du Brésil et protectrice de la ville, nous font découvrir quelques uns de ses trésors du patrimoine sacré et profane.
Bertrand Bouvery, un des principaux négociants en café pour les torréfacteurs français, nous emmène à Guachupe, grande région de culture du caféier. Jose Roberto Freitas et Paulo Lamego, gérants de la Fazenda Ponte Alta nous convient à une visite éducative et à une représentation théâtrale destinées aux enfants. Martha Ribeiro de Britto, la propriétaire et restauratrice de Secretario, parle avec passion de la plus belle des deux cent cinquante anciennes fermes de la région, fondée en 1830 et, à son époque la plus faste, entourée de cinq cent mille pieds de café travaillés par trois cent soixante-dix esclaves.

Aux portes de l'Amazonie
Belém était, à la fin du XIXe siècle, le premier producteur mondial de caoutchouc avant de connaître, à partir de 1912, une brutale décadence liée à la chute des cours du latex. Pendant sa période de gloire, la ville s'est dotée d'un patrimoine architectural largement inspiré par l'Europe. Paolo Chaves, le secrétaire d'état à la culture du Para, a décidé une restauration de l'ensemble des bâtiments Belle Epoque, parmi lesquels le Théâtre, dont le modèle a visiblement été la fameuse Scala de Milan, ou le palais du gouverneur. Mais le lieu le plus insolite de Belém est un commerce de tissus, le "Paris na America", ressemblant fort aux grand magasins parisiens.
Après nous avoir entraîné au marché situé sur le port, où plantes, fruits, poissons (dont le redoutable piranha) et viandes rivalisent en diversité, Pedro Mergulhao, un architecte-paysagiste, rend visite à un ami dans le jardin duquel on trouve quelques spécimens d'hévéa. Avec le spécialiste en art indigène Robinson Santos Araujo da Silva, nous nous envolons vers un village d'indiens Kayapo qui préparent une fête rituelle.

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