lundi 28 août 2006

Tsubaki Sanjûrô (sanjuro)


"... Comme un sabre nu."

Il est parfois utile d'aller à contre-courant des idées reçues. Comme celle qui veut que Tsubaki Sanjûrô soit une suite de Yojimbo, ce qu'il n'est évidemment pas. Les deux films forment plutôt ensemble un diptyque, le second étant sensiblement influencé par le premier, comme le confirma Akira Kurosawa dans une interview en 1964. Selon cette même source, le réalisateur et producteur japonais, une fois la rédaction du scénario de Tsubaki Sanjûrô achevée, avait confié à son premier assistant Hiromichi Horikawa le soin de le tourner. Mais il fut contraint de s'en charger lui-même sous la pression amicale de la Toho. L'histoire, initialement inspirée d'un roman de Shugoro Yamamoto, est une nouvelle fois remaniée, notamment l'aptitude au combat du personnage central, se traduisant également par un développement des scènes d'action.
Neuf jeunes samouraïs sont réunis dans un temple pour évoquer leur lettre de grief qui dénonce la corruption de certains vassaux de la ville. Iori rapporte que son oncle, le chambellan Mutsuta Yahei, auquel il l'avait remise s'est moqué de lui et l'a déchirée, devenant par ce geste le complice et peut-être même l'acteur principal de la forfaiture. Le chef de la police Kikui Rokurobei a, en revanche, promis d'apporter son aide au groupe et d'appréhender le chambellan pour prévarication. Alors qu'ils sont entrain d'élaborer leur plan, une voix s'élève venant de la pièce voisine, celle d'un rônin, réveillé par ces discussions enflammées.
Il contredit en tous points les élucubrations de ses jeunes amis, voyant dans le geste du chambellan plutôt la preuve de sa lâcheté et avertissant la ligue à laquelle il vient d'adhérer qu'elle risque de tomber dans un piège tendu par Kikui. Une importante troupe d'hommes se présente bientôt et encercle effectivement le temple. Mais elle ne trouve que le rônin, lequel, maltraité, doit se défendre, faisant ainsi la démonstration de son remarquable talent de sabreur. Cette adresse incite le samouraï Moroto Hanbei à lui proposer de le rejoindre au service de Kikui. Celui-ci, associé à trois grands vassaux corrompus, retient le chambellan prisonnier dans un lieu inconnu ainsi que son épouse et sa fille dans leur résidence.
Sans rien enlever aux qualités de Yojimbo, souvent placé parmi les meilleurs films du réalisateur, les cinéphiles, et en particulier les vrais amateurs de cinéma japonais, lui préfèrent Tsubaki Sanjûrô. Pas de sélection à la Mostra ou aux Academy Awards pour ce dernier, juste la prodigieuse "démonstration du remarquable talent" de Kurosawa, capable de faire d'une histoire très simple, quasiment un prétexte, un pur chef-d'œuvre. Autant le film précédent séduisait par son originalité excentrique et sa tonalité parodique, autant celui-ci ravit par son classicisme, sa logique formelle et son abstraction. Un réjouissant conflit générationnel constitue le ressort essentiel du récit, celui entre la vertu inconséquente de jeunes samouraïs et l'intelligence de leur apathique, vénal et grossier aîné vagabond dont ils vont faire leur maître. Thématique relayée par une intéressante prise de conscience de l'horreur de la violence suscitée par l'un des personnages secondaires les plus insolites de la filmographie de Kurosawa. Tsubaki Sanjûrô joue d'ailleurs volontiers de cette percutante association entre énigme et comédie. Est-il utile de souligner la qualité de l'interprétation ? Indiquons toutefois que Yuzo Kayama, le fils de Ken Uehara, grande vedette du cinéma japonais des années 1940-1950, deviendra à son tour très populaire grâce à Mikio Naruse et à son rôle dans Akahige avant d'entamer une carrière de chanteur. 

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