"En 1972, tout le monde était obnubilé par le mythe de l'efficacité allemande, absolue et sans pitié."
"Bloody, Bloody Wednesday"
pourrait-on appeler, en s'inspirant du nom donné à la tuerie de
Londonderry du 30 janvier de la même année, la prise d'otages de Munich
du 5 septembre 1972*, dénouée de manière tragique aux toutes premières
heures du jour suivant, moins de soixante-douze heures avant le Nouvel
an Juif. Tragédie humaine avant tout, prenant pour cadre une autre
invention hellénique, les Jeux Olympiques qui traditionnellement
marquaient une trêve dans les combats entre les différentes cités de la
Grèce. En pleine guerre du Viêt-nam, alors que R.F.A. et R.D.A.
amorçaient un encourageant rapprochement, les grandes vedettes de cette
fête pacifique auraient dû être le nageur Mark Spitz (sept médailles d'or)
et les gymnastes soviétiques Ludmilla Tourischeva et Olga Korbut. Hélas
! Les images que retiendra l'Histoire de ces Jeux, faisant les
couvertures des journaux et magazines de l'époque, seront une tête
cagoulée sur le balcon d'un appartement et le visage des onze athlètes
israéliens** assassinés de manière effroyable.
C'est le récit minutieux de cette longue et douloureuse journée d'attente et de négociations qu'entreprennent Kevin Macdonald et Arthur Cohn(American Dream, Central do Brasil) dans One Day in September, "Oscar"
du meilleur documentaire 2000. Après avoir intelligemment planté le
décor du drame en gestation, rappelant notamment l'importance de cette
manifestation sportive internationale pour les autorités allemandes,
trente-six ans après les infâmes et funestes Jeux de Berlin, le
réalisateur écossais, petit-fils d'Emeric Pressburger,
construit son film comme un véritable thriller. Sélectionnant avec soin
les documents d'archives, il reconstitue également le parcours des
terroristes, notamment celui du seul survivant de l'opération, Jamal Al
Gashey, dont il recueille le témoignage inédit. Membres de la famille
des disparus ("They're all gone" annonçait laconiquement le 6 septembre Jim McKay, le présentateur d'ABC News)
ou de la délégation sportive israélienne, ex-officiels allemands, en
particulier le ministre de l'intérieur Hans-Dietrich Genscher, l'ancien
chef du Mossad, Zvi Zamir, journalistes ou témoins apportent aussi leurs
précieux commentaires. Et lorsque les images n'existent pas (celles de la fusillade sur la base aérienne de Fürstenfeldbruck)
la production recourt à l'infographie, permettant aux spectateurs de
visualiser le ridicule dispositif mis en place et de comprendre les
raisons de son échec.
One Day in September
est une œuvre historique et pédagogique importante. Il met notamment
en évidence les graves et manifestes carences des pouvoirs chargés de
prévenir, gérer et résoudre cette crise, lesquels peuvent reprendre,
sans difficulté, à leur compte la devise olympique "plus vite, plus haut, plus fort..."
dans la discipline très disputée de l'incompétence. Soulignons enfin
que les titres, pour la plupart d'époque, qui composent la bande
musicale sont choisis avec finesse, "Immigrant Song" ("For peace and trust can win the day, despite of all your losing") de Led Zeppelin
accompagnant par exemple l'incroyable poursuite des compétitions
pendant le terrible calvaire subi par les otages. L'événement a inspiré
deux téléfilms, 21 Hours at Munich en 1976 et Sword of Gideon en 1986, ainsi que le récent Munich de Spielberg.
Quoique conçus sur des principes et avec des objectifs différents,
aucun ne résiste sérieusement à la comparaison avec le remarquable
documentaire de Kevin Macdonald.
___
*venant après deux opérations terroristes organisées au cours du mois de mai sur l'aéroport israélien de Lod.
**Moshe Weinberg, Josef Romano, David Berger, Ziev Friedman, Eliezer Halfin, Mark Slavin, Joseph Gotfriend, Jacob Springer, André Spitzer, Kehat Shorr, Amitzur Shapira.
**Moshe Weinberg, Josef Romano, David Berger, Ziev Friedman, Eliezer Halfin, Mark Slavin, Joseph Gotfriend, Jacob Springer, André Spitzer, Kehat Shorr, Amitzur Shapira.
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