mardi 15 août 2006

J'invente rien


"Deux pour-cent d'espoir..."

Le premier long métrage de Michel Leclerc puise une partie de son inspiration, cela ne surprendra personne, dans les courts qui l'ont précédé, parmi lesquels Le Poteau rose, l'une des deux "Mention spéciale du jury" à Clermont-Ferrand en 2002. On y retrouve également, par touches, le réalisme de reportage qui caractérisait la série télévisée Age sensible, disparue avant terme, créée à huit mains notamment par Leclerc et à l'écriture de laquelle figurait sa complice Carine Tardieu. J'invente rien est une sympathique comédie romantique réunissant pour la première fois la formidable Elsa Zylberstein, échappée de l'univers de Jean-Christophe Grangé, et l'inattendu Kad Merad, enfin investi d'un rôle principal d'envergure, dans un duo assez convaincant.
Cinq ans après s'être trouvés plus que rencontrés, Mathilde Mahut et Paul Thalman forment un couple insolite, immature et volontiers rêveur. Peintre, elle donne l'apparence du faux bois à des objets qui ne l'ont pas et fait tourner le ménage ; il est un "glandeur" endurci mais cultivé, inapte au travail par conviction. Elle a l'habitude d'uriner en pleine rue comme lorsqu'elle était petite fille ; lui manque singulièrement d'humour. Un jour qu'ils reviennent du supermarché, Mathilde aperçoit un homme dans le canal et vient à son secours en le réconfortant par la parole. L'homme en question est un inventeur désespéré par le vol de l'une de ses trouvailles. Ce sauvetage crée en Paul une vocation : il sera, lui aussi, inventeur. Reste à trouver l'idée.
Histoire d'amour entre deux doux dingues, J'invente rien se donne, tour à tour, des allures de comédie dramatique et musicale, le tout fortement teintée de poésie, voire de fantaisie, infantile. La mise en scène, sans fioritures inutiles, donne au film un côté brut plutôt plaisant comparé à la norme des productions actuelles. Le scénario original repose sur un couple apparemment mal assorti mais qui réussit à démentir l'implacable définition physique du terme, judicieusement rappelée par le romancier et poète canadien Pierre Baillargeon, "au sens mécanique du mot : système de forces parallèles et de sens contraires". Une manière comme une autre de... tourner autour du pot ! La manie de Mathilde et de Paul, dont l'apanage n'est en rien la prétendue sottise signifiée par le titre, c'est plutôt de s'évertuer à imaginer la réalité de façon arbitraire. Le film de Michel Leclerc montre comment, lorsque celle-ci devient trop concrète et pressante, elle bouleverse les équilibres subtiles du couple. Il démontre aussi et enfin, si cela est encore nécessaire, que la plus grande et belle invention de l'humanité reste sans conteste l'amour et ses générations. 

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