lundi 7 août 2006

La Tourneuse de pages


"... Avec intensité."

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L'idée de produire un film entre thriller et drame psychologique dans le milieu des instrumentistes classiques constituait un pari plutôt délicat. Denis Dercourt le réussit en particulier grâce à la qualité d'interprétation de ses actrices principales. Il faut, bien sûr, accepter d'entrer dans un univers essentiellement romanesque*. Mais, cette légère concession accordée, La Tourneuse de pages, présenté l'année dernière au Festival de Cannes dans le cadre de la section "Un Certain regard", nous entraîne alors avec subtilité et concision dans l'agogique de sa petite musique de chambre.
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Enfant, Mélanie Prouvost a échoué au concours d'entrée en classe de piano du conservatoire, troublée par l'attitude désinvolte de la présidente du jury, une pianiste concertiste réputée. Elle a alors définitivement abandonné la pratique de son instrument pour se consacrer à ses études. Devenue une séduisante jeune diplômée, elle entre comme stagiaire dans un grand cabinet d'avocats dirigé par Jean Fouchécourt, l'époux de la femme à l'origine son cruel échec musical. Peu avant la fin sa période de stage, Mélanie propose à son employeur de remplacer, pendant les vacances, la personne qui s'occupe de son fils Tristan. Reconnue comme une collaboratrice efficace et dévouée, elle voit son offre aussitôt acceptée et est envoyée dans la grande propriété que possède les Fouchécourt à l'extérieur de la capitale. Ariane Fouchécourt, psychologiquement fragilisée par un accident de la route, trouve rapidement en Mélanie le soutien dont elle a besoin. Lorsqu'elle découvre ses connaissances musicales, elle en fait sa tourneuse de pages pour un prochain concert déterminant pour la suite de sa carrière.
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Qui a-t-il de pire que de se voir voler ses rêves ? La vengeance est évidemment au cœur de l'intrigue de La Tourneuse de pages. Le talent de Denis Dercourt est de parvenir à placer le spectateur durablement en suspension et à le surprendre. Cela s'opère sans artifice, dans des décors d'un grand dépouillement, comme pour ne pas donner de prise, nous égarer davantage encore. Les thèmes de la différence sociale et de la célébrité sont également abordés en filigrane. Il règne pendant le film une atmosphère assez singulière, aux accents chabroliens, impression renforcée par les compositions originales et parfois herrmanniennes de Jérôme Lemonnier. Catherine Frot rend avec sobriété le complexe déséquilibre de son personnage tandis que Déborah François, dans un rôle très différent de celui de Sonia dans L'Enfant, est, entre douceur et cruauté, remarquable de conviction et de naturel.
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*moins marqué cependant que dans L'Accompagnatrice tiré de l'ouvrage de Nina Berberova.

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