"Heads you live, tails you die."
Définitivement trop libre, Tony Scott ? Au point de perdre tout repère artistique et de dérouter un public déjà malmené par Man on Fire, son précédent opus ? Domino,
entré à une modeste septième place au box-office hebdomadaire
français*, rebute un peu et agace par son parti pris presque
exclusivement visuel, reléguant au rayon des accessoires l'histoire
qu'il est sensé relater. Choix d'autant plus contestable que la vie et
la carrière de Domino Harvey constituaient a priori, ce qui n'est pas si
fréquent, un sujet original susceptible d'attirer un public assez
large. Au terme de ces deux heures de délire outré, sorte de long clip
punk-rap aux influences tarantiniennes, sans en avoir l'humour, s'exprime un net sentiment de gâchis que le charme de l'interprétation de Keira Knightley ne parvient pas à atténuer.
Domino Harvey est interrogée par Taryn Mills,
une psychologue du F.B.I., pour sa participation à une sombre et
sanglante opération. Celle destinée à récupérer dix millions de dollars
dérobés, au cours de son transport, à l'hôtel-casino Stratosphere de Drake Bishop,
lié à la mafia de Las Vegas. Défilent alors les principaux événements
qui ont contribué à faire de cette ancienne petite fille sage la
téméraire chasseuse de prime des années 1990. Du décès de son acteur de
père, alors qu'elle a sept ans à sa rencontre et sa collaboration avec Ed Moseby et son partenaire latino Choco,
en passant par ses années de pensionnat, son adolescence rebelle aux
côtés de sa mère remariée et installée à Beverly Hills ou son expérience
de mannequin. Auxquels succèdent les complexes tenants de cette mission
imaginée par Claremont Williams III, le boss de Domino et de ses acolytes, pour sauver la petite-fille de son amie Lateesha.
L'idée de tourner ce film aurait-elle trop mûri dans l'esprit et le cœur de Tony Scott
? Le projet date, en effet, de plus de dix ans, son écriture
connaissant plusieurs traitements successifs. Le cinéaste a également
pu, au cours de cette période, mieux cerner la personnalité de Domino
Harvey qu'il a, de manière informelle, associée à la production. Domino
se situe résolument aux antipodes du réalisme documentaire. L'argument
avancé est que cette fiction biographique ne cherche pas à narrer
fidèlement l'insolite existence de cette fausse "belle plante"
britannique repiquée sous le soleil californien mais de tenter
d'approcher sa psychologie par ses aspérités obsessionnelles. On ne
saura jamais si la fille de Laurence Harvey, décédée peu avant la sortie du film, se serait reconnue dans le personnage joué par Keira Knightley. Les jeunes amateurs de films d'action, notamment ceux nourris dès le berceau par les programmes de MTV, apprécieront probablement Domino et pourront même, puisqu'il semble visiblement avoir été conçu et réalisé dans cette (étroite) perspective, lui rendre un culte. Le reste du public préférera (re)voir True Romance.
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