dimanche 3 septembre 2006

Akahige (barberousse)


"Il découvre le monde, et cela lui donne de la fièvre."

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Les spectateurs occasionnels des films d'Akira Kurosawa ne manquent généralement pas de souligner la singularité de Akahige par rapport aux autres productions du cinéaste. En réalité, dès son origine, l'œuvre du maître japonais laisse apparaître, de façon plus ou moins expressive, cet intérêt pour l'humanité et les malheurs qui la frappent. Déjà sensible dans Yoidore tenshi et Ikiru, évidemment sous-jacent dans Shichinin no samurai ou, par exemple, émergeant à la fin de Tengoku to jigoku, cette dense thématique prend un relief plus marqué dans cette seizième et dernière collaboration avec Toshirô Mifune et dans le film suivant, Dô desu ka den. Salué dans son pays comme le meilleur film de l'année, Akahige valut aussi une "Coppa Volpi" vénitienne à son acteur principal, un trophée qui, de manière implicite, récompense également l'ensemble de sa remarquable distribution.
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Fin de l'ère Tokugawa (début du XIXe siècle). Après trois années d'étude de la médecine hollandaise à Nagasaki, le jeune Yasumoto Noboru retourne à Edo avec l'objectif d'entrer au service du Shogun. Au cours d'une visite qu'il effectue au dispensaire de Koishikawa pour y rencontrer son responsable, il apprend son affectation officielle dans cet austère hôpital public où sont soignés les nécessiteux. D'abord révolté par cette décision, Noboru décide de s'opposer à l'autorité du médecin-chef Niidé Kyojo, dit 'Barberousse'. Mais, à l'occasion du décès de Rokusuké et Sahachi, deux attachants malades de l'établissement, il va très vite pouvoir apprécier les qualités d'âme de son patron et tirer un inestimable profit humain de leur collaboration.
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Malgré sa grande sobriété esthétique, Akahige est probablement l'une des œuvres les plus ambitieuses de Kurosawa sur le plan artistique. Nous n'insisterons pas sur la durée et les contraintes d'une production qui eurent pour conséquence de ruiner la volonté d'indépendance du réalisateur. Celui-ci, sous l'influence perceptible d'auteurs occidentaux, Fedor Dostoïevski en particulier, a nettement infléchit le sens et la portée du récit de l'écrivain Shugoro Yamamoto. Le film est construit comme le tissage d'une tapisserie. Au cœur du scénario, le parcours initiatique d'un jeune médecin, aveuglé par son ambition et son arrogance, et le dévoilement de sa vocation authentique constituent la trame entre laquelle passe une chaîne de tragédies individuelles ou collectives qui se répondent. Celles de la jeune bourgeoise aliénée, du peintre Rokusuké et de sa fille, de Sahachi, d'Otoyo, du jeune Chobo et de sa famille.
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Le discours est, certes, humaniste mais aussi philosophico-politique puisque la victoire contre la maladie passe avant tout, selon 'Barberousse', par la lutte contre la misère et l'ignorance. Le charme et la force du film résident pour beaucoup dans son réalisme (ce qui n'empêche pas quelques incursions dans l'imaginaire poétique) et dans la conviction qu'il fait naître, à la fois chez Noboru et le chez spectateur, de la pertinence de ce projet, toujours actuel. En raison du désaccord entre Kurosawa et Mifune sur le personnage interprété par ce dernier, à l'origine de leur rupture, nous ne connaîtrons jamais la version exacte souhaitée par le cinéaste. Avouons toutefois que la vision et le jeu de l'acteur ne font naître aucun réel regret sur le sujet.

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