"- As-tu trouvé tes Indes, John ?...
- Je les ai peut-être dépassées."
Rares sont les cinéastes de la génération de Terrence Malick
a posséder, comme ce dernier, un parcours aussi cohérent et personnel.
Un phénomène peut-être en partie favorisé par le faible nombre de ses œuvres, quatre longs métrages seulement en... plus de trente ans. Il
n'en demeure pas moins que ce Texan de naissance possède un langage
cinématographique propre, peu influencé par les contraintes de
production et très apprécié par un nombre significatif de cinéphiles
dont la patience est soumise à rude épreuve. Mais Malick ne montre-t-il pas l'exemple, le premier scénario de The New World
datant en effet des années 1970 ? Il est pourtant de bon ton de
prétendre que la pente de la courbe qualitative de ses films est
constamment négative depuis Badlands. Chacun d'entre eux rehausse cependant, assurément, le niveau moyen de la production étasunienne.
Printemps 1607. Trois navires anglais commandés par le capitaine Newport abordent les côtes de Virginie. La pendaison du seul soldat aguerri de la flotte, le capitaine John Smith
enfermé jusque là dans la cale pour mutinerie, est finalement annulée
par l'officier supérieur. Alors que le contact est établi, sans heurt,
avec la population indigène, les fortifications de Jamestown, la
première colonie, sont érigées. Mais les réserves s'épuisent vite et le capitaine Newport doit retourner en Angleterre pour les renouveler. Avant de partir, il charge Smith
d'aller rencontrer le roi d'une ville située de l'autre côté du fleuve
pour tenter de conclure avec lui une relation marchande. Au cours de son
expédition, Smith est capturé par des indiens, emmené devant le roi Powhatan
et, sans la soudaine intervention de la fille de ce dernier, aurait été
exécuté. La jeune princesse et le prisonnier se découvrent l'un l'autre
et leur douce complicité se transforme bientôt en un sentiment bien
plus fort. Inquiet de cette situation, Powhatan libère Smith en lui intimant l'ordre de convaincre ses compatriotes de quitter cette terre.
Très beau film, The New World apporte la preuve que le talent en art ne se perd pas toujours en l'absence d'exercice. Sept ans après The Thin Red Line, le réalisateur nous entraîne dans un univers totalement différent mais néanmoins profondément malickien.
Son cinéma est sans cesse intelligent, sensible, l'un des rares en
Occident à pouvoir rivaliser avec celui de ses homologues asiatiques
dans le domaine du souffle et de l'allégorie. Le film nous montre, avec
une pertinence inédite, la naissance d'une utopie (au sens philosophique du terme), celle de l'Amérique, dont l'ironie veut qu'elle soit fondée, sans ménagement ("la conscience est un fléau")
sur les ruines d'une probable société idéale. La narration et la mise
en scène de cette délicate et tragique histoire, médiocrement portée à
l'écran par Lew Landers ou affadie par le film d'animation Walt Disney (déjà avec Christian Bale !),
sont ici superbement maîtrisées, sans aucune fausse note, y compris au
niveau du casting pour lequel un certain scepticisme initial prévalait.
The New World ne constitue pas un ersatz inversé de The Last of the Mohicans,
il l'égale en force et en qualité avec des arguments spécifiques. Et
pour rester dans le domaine des comparaisons, on peut affirmer qu'il
peut être apprécié comme un Dances with Wolves des premières conquêtes. Remarquable travail photographique du Mexicain Emmanuel Lubezki, justement souligné par les Academy Awards et jolie prestation de la jeune et inexpérimentée actrice d'origine péruvienne Q'Orianka Kilcher que l'on devrait bientôt retrouver, en famille, chez Leone Marucci.
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