"... Et on doit être en l'air trente-sept secondes après."
Lancé en 1993 par Airbus, l'A380 (73 mètres de long, 79,80 mètres d'envergure et 24,10 mètres de hauteur) est le plus gros avion civil jamais construit, le troisième*, par ses dimensions, de l'histoire de l'aviation et le premier aéronef à réaction à disposer d'un double pont intégral**. Capable de transporter entre 555 et 845 passagers ou, dans sa version cargo, d'emporter jusqu'à 150 tonnes de fret, il entre directement en compétition avec le Boeing 747 qui, depuis 1970, détenait le monopole de la catégorie des très gros porteurs.
L'idée, qui paraissait à l'époque insensée, de concevoir un tel avion est née
en 1988 de la triple volonté de l'Union européenne de favoriser la
création d'un grand marché européen de l'aviation, de renforcer la
compétitivité des compagnies aériennes de l'Ancien continent et de
soutenir la recherche. L'accueil réservé à ce projet par les compagnies
aériennes internationales, dont le nombre a augmenté de 25% en dix ans,
confrontées à une croissance du trafic a définitivement confirmé son
intérêt et validé son passage du stade de l'ambition politique à celui
du programme industriel.
Introduit par une courte séquence, complétée à la fin du film, du premier vol de l'A380, le mercredi 27 avril 2005 au départ de l'aéroport Blagnac de Toulouse, le documentaire du Californien installé en France Mike Magidson
relate les six derniers mois qui ont précédé cette date historique de
l'aviation civile française. L'enjeu était et reste de taille : battre,
après l'avoir au moins égalé sur les autres segments de ce marché, le
concurrent de Seattle sur son terrain de prédilection et, plus
symboliquement, faire oublier l'échec commercial du bel oiseau
technologique qu'était Concorde.
Trois
aspects essentiels de ce lancement sont abordés en parallèle. La partie
industrielle et logistique, évidemment, de cet investissement de onze
milliards d'euros, mobilisant la matière grise et l'énergie de multiples
constructeurs mondiaux pilotés par Airbus et son actionnaire E.A.D.S.,
vaste et complexe opération d'assemblage de quelques quatre millions de
pièces détachées. L'aspect commercial, déterminant pour assurer la
viabilité du projet sur le long terme, dont la difficulté consistait à
vendre un appareil sur plan puis en maquettes grandeur nature à des
compagnies (Singapore Airlines et Quantas notamment) très liées jusque là à Boeing.
La signature, au bout de deux ans, de contrats portant sur cent
cinquante appareils à 265M$ pièce et la présentation officielle de
l'avion, le 18 janvier 2005, ont constitué dans ce domaine deux des
étapes majeures du programme.
La
dernière partie relève davantage de la passion, celle des ingénieurs et
pilotes-essayeurs au cours des différentes phases d'élaboration et de
validation du projet et celle des simples amateurs d'avions (ils étaient plus de quarante mille, souvent arrivés au cours de la nuit à Blagnac, pour assister au premier vol). Le 27 avril 2005, l'équipage constitué de deux pilotes français (Claude Lelaie et Jacques Rosay), d'un mécanicien-naviguant français (Gérard Desbois) et de trois ingénieurs (l'Allemand Manfred Birnfeld, l'Espagnol Fernando Alonso et le Britannique Jacky Joye)
a, avec ses trois heures et cinquante-trois minutes de vol, inauguré
une campagne d'essai de deux mille cinq cents heures destinée à obtenir
les certifications des agences européennes et américaines de sécurité
aérienne. Depuis, l'A380 a atterrit sur des aéroports des
quatre continents et a effectué, le 4 septembre dernier, un premier vol
avec des passagers. Il a également, sans être nommé, virtuellement servi
de décor au Flight Plan de Robert Schwentke
sorti l'année dernière. Les trois récentes annonces de retard dans les
livraisons sont venues ternir un peu l'image de ce fleuron de l'aviation
européenne.
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*seulement surpassé par l'avion-cargo Antonov An-225 (84 mètres de
long) du constructeur ukrainien homonyme, construit en un seul
exemplaire et par l'hydravion géant H-4 Hercules (67 mètre de long, 97,5
mètres d'envergure), plus connu sous le nom de "Spruce Goose", qui n'a
volé qu'une seule fois en 1947, recréé par infographie pour les besoins
de The Aviator de Scorsese.
Citons également le cas d'un éphémère ancêtre, le Dornier Do X,
hydravion allemand de 1929, long de 40m. et d'une envergure de 48m.,
équipé de douze moteurs à hélices.
**l'A380 n'est pourtant pas le premier avion à deux ponts sorti
d'une usine française. Le Breguet 765 Deux-Ponts, produit à la fin des
années 1950 et utilisé par Air France jusqu'en 1971, pouvait emporter 59
et 48 passagers sur ses deux ponts supérieur et inférieur.
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