"- Quel masseur !
- Mais sans pitié."
Kenji Misumi, l'initiateur de la série, est, selon moi, le réalisateur qui a le mieux compris et traduit le personnage de Zatôichi. Il le prouve encore une fois avec Zatôichi kenka-daiko, sa cinquième et avant-dernière participation à la légende du masseur aveugle. Connu dans les pays anglo-saxons sous le titre "Samaritan Zatoichi (un contresens navrant !), cet épisode s'inscrit parfaitement dans la ligne des œuvres précédentes de Misumi, notamment le récent Zatoichi chikemuri kaido. Mais, ici, ce n'est plus un enfant mais une femme, comme dans Zatoichi Jigoku tabi, dont Zatôichi
se fait le protecteur. L'originalité de la situation à partir de
laquelle va se construire le scénario réside dans le caractère
ambivalent du personnage principal. Celui d'être à la fois un yakuza et
un justicier.
Ichi est engagé pour faire partie d'une mission punitive destinée à exécuter Unokichi, un jeune homme qui n'a pas remboursé une dette de trente pièces d'or contractée auprès du parrain local Kumakichi.
C'est même lui qui, après l'échec de ses comparses de circonstance,
doit se charger de tuer le débiteur. Comme l'avait annoncé la victime
avant sa mort, sa sœur Osodé (Yoshiko Mita) arrive peu après avec le montant dû. En réalité, cette dramatique affaire était un stratagème permettant à Kumakichi d'offrir Osodé à Honjin, un riche marchand et obtenir, de sa part, un poste éminent. Ichi reprend sa route, elle croise, hasard ou nécessité, celle d'Osodé qui se rend chez sa tante à Suwa. Mais Kumakichi est toujours à la recherche de la jeune femme, laquelle se placera sous la protection attentionnée d'Ichi. Celui-ci devra affronter les hommes du clan Araoi dépêchés par le fourbe parrain et leur recrue fortuite, le samouraï Kashiwasaki (Makoto Satô).
Si la plupart des réalisateurs engagés pour participer à la saga "Zatôichi" ont une vision lunaire, voire saturnienne du personnage, Kenji Misumi, tout en assumant son évidente complexité, le place, résolument, sous un signe solaire. Il fait d'Ichi
avant tout un être humain et positif, yakuza, certes, par défaut mais,
au moins, attaché à ses codes d'honneur. Il n'oublie pas, non plus, la
dimension essentielle de comédie attachée au héros imaginé par Shimozawa. Ces "vertus" sont remarquablement mises en scène dans Zatôichi kenka-daiko. A partir d'un scénario d'une limpidité exemplaire, Misumi,
sur fond de corruption et de perfidie habituelles, privilégie la
relation délicate et sensible nouée entre ses deux principaux
protagonistes, unis par un drame originel presque cornélien. Parmi les
autres éléments qui apportent une saveur particulière à cet épisode,
figurent quelques novations ou créations intéressantes. Toujours
redoutable au sabre, Zatôichi perd, par exemple, son absolu invincibilité, aux dés notamment. Et le personnage du rônin Kashiwasaki,
en conservant, jusqu'à la fin, son côté ambigu et intrigant, enrichi de
manière significative la trame narrative du film. Comme toujours chez
ce réalisateur, Zatôichi kenka-daiko
est remarquablement servi par une recherche visuelle inventive et une
photographie d'une grande qualité. Nul doute que, lorsque cesseront de
retentir les tambours qui donnent son titre à l'épisode, vous placerez
celui-ci parmi les tout meilleurs de la série.
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