lundi 10 janvier 2005

Le Bossu


"Roi ne puis, duc ne daigne... Bossu suis."

Le film d'André Hunebelle, produit à l'occasion du centenaire du roman de Paul Féval, est l'une des adaptations cinématographiques (il y en eut sept avant la sienne) de référence de l'ouvrage. Mieux, il est devenu, au fil des années, un classique consensuel, tellement apprécié qu'il était diffusé, dès l'époque de l'O.R.T.F., pendant les vacances scolaires de fin d'année civile et faisait la joie des petits et des grands. Le mérite essentiel en revient, naturellement, à l'écrivain d'origine rennaise. Lequel a su construire, en s'inspirant du roman noir anglais de son époque et en s'inscrivant, quoiqu'en s'en démarquant sur le plan thématique, dans la grande tradition des Dumas père, Sue et Soulié, une intrigue, sur fond historique, mêlant avec réussite trois ingrédients fondamentaux, action, mystère et romantisme. Mais le réalisateur de la future série Fantômas est également parvenu à traduire, malgré quelques maladresses et grâce, notamment, à une distribution de qualité, son alchimie délicate. Le résultat a dû suffisamment plaire pour qu'il décide, dans la foulée, de mettre en chantier, avec le même duo d'acteurs vedettes, un autre film de cape et d'épée, nettement moins convaincant celui-là, Le Capitan, tiré de l'œuvre de Michel Zevaco.
Versailles, 1701. Le prince Philippe de Gonzague (François Chaumette) reçoit, lors de la cérémonie du petit levée du roi, la mission de marier son cousin, le duc Philippe de Nevers à Mademoiselle de Savoie, la nièce du monarque. Mais celui-ci révèle à son parent qu'il est, depuis deux ans, devenu secrètement, à cause de la haine héréditaire qui existe entre leurs deux familles, l'époux d'Isabelle de Caylus (Sabine Selman et qu'une petite fille, Aurore, est née, il y a dix mois, de cette union. Le fourbe prince, qui convoite l'immense fortune du duc, décide de se débarrasser de lui et de son héritière. Il confie ce double crime à Peyrolles (Jean Le Poulain), habituellement chargé de ses basses œuvres. Mais, à deux reprises, un gentilhomme, Henri de Lagardère (Jean Marais), vient porter secours au duc. Il ne peut cependant, la seconde fois, empêcher le lâche assassinat de Nevers par un personnage masqué, qui n'est autre que Gonzague lui-même, qu'il blesse toutefois à la main. Lagardère fait serment au mourant de le venger et de prendre soin de l'enfant qu'il emporte en Espagne avec son fidèle Passepoil (Bourvil).
Paul Féval, qui avait caressé, sans succès, la carrière d'avocat avant de se tourner vers les lettres (il est l'auteur d'une trilogie vampirique assez connue), fait paraître les épisodes du "Bossu ou le Petit Parisien" dans le journal "Le Siècle" en 1857. Ce récit occultera longtemps la production de ce prolifique romancier populaire. L'œuvre sera d'ailleurs la seule que son auteur réussira à adapter au théâtre. La version d'Hunebelle opère quelques coupures ou raccourcis (par exemple la jeunesse de Lagardère et son activité de ciseleur de gardes d'épée sous le nom de Don Luis lorsqu'il se trouve en Espagne) pour centrer son film sur l'intrigue principale. Elle ne s'embarrasse pas, non plus, des difficultés formelles comme le vieillissement des personnages (à part celui d'Isabelle de Caylus, pour permettre la distinction avec sa fille Aurore, jouée par la même actrice). Qu'importe puisqu'il s'agit avant tout d'une fantaisie héroïque dont le succès repose principalement sur les talents respectifs de Jean Marais et de Bourvil*, le premier dans le registre de l'action et du charme romantique, le second dans celui de l'humour.
___
*qui s'étaient déjà fugitivement croisé, en 1954, sur les plateaux de Si Versailles m'était conté de Sacha Guitry.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire