"In the gap (entre les deux)."
Le film d'espionnage a connu une révolution au début des années 1960, celle de l'adaptation des romans de Ian Fleming.
Il est devenu plus spectaculaire, privilégiant l'action parfois au
détriment de la narration et des dialogues. Certaines productions se
sont engouffrée dans le sillage des films de Terence Young et Guy Hamilton,
d'autres, au contraire, sont restées attachées à la tradition des
œuvres de la période qui a précédé et immédiatement suivi la Seconde
Guerre mondiale. The Quiller Memorandum semble un compromis entre les deux courants. Michael Anderson, qui avait réalisé plus de dix ans auparavant un très solide film de guerre, The Dam Busters, et reste l'auteur de la meilleure version du Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, semble avoir eu quelques difficultés à adapter le roman d'Adam Hall alias Trevor Dudley Smith. Le scénario du dramaturge et poète Harold Pinter a-t-il participé à cette confusion ? Le film a, en tous cas, du mal à être réellement convaincant.
Quiller (George Segal), un agent du Secret Intelligence Service, reçoit d'un certain Pol (Alec Guinness)
la mission de reprendre une enquête sur un groupe néo-nazi berlinois
qui a éliminé ses deux prédécesseurs. Il est bientôt enlevé par
celui-ci, dirigé par un individu qui se fait appeler Oktober (Max Von Sydow),
lequel tente en vain, grâce à une injection de penthotal, de lui faire
avouer le site de son quartier général et le nom de ses contacts. Contre
toute attente, Quiller se retrouve libre le lendemain matin, abandonné sur le bord d'un canal. Avec l'aide de la séduisante Inge (Senta Berger), enseignante dans un collège où un ancien criminel de guerre a été dénoncé, Quiller retrouve l'endroit de sa détention. Prenant ainsi le risque de mettre la vie de sa compagne en danger.
En regardant Quiller Memorandum, lequel n'est pas dénué de qualités, notamment photographiques, on comprend mieux, par contraste, pourquoi les films de James Bond sont efficaces. La qualité première de la franchise broccolienne n'est, paradoxalement, pas l'histoire, souvent stéréotypée, mais le rythme. Et le film de Michael Anderson en manque... cruellement. Il n'est, d'ailleurs, pas impossible que le premier responsable en soit Harold Pinter, plus à l'aise dans la dramaturgie maughamienne du Servant que dans l'adaptation d'un roman d'espionnage. The Quiller Memorandum est lent et bavard, et ses dialogues en sous-entendus (parfois à connotation sexuelle)
deviennent rapidement lassants. Alors que la plupart des films
d'espionnage de l'après-guerre choisissent le communisme comme cible
privilégiée (The Spy Who Came in from the Cold de Martin Ritt, Torn Curtain et Topaz d'Hitchcock, The Kremlin Letter de John Huston), The Quiller Memorandum s'inscrit dans la filiation des œuvres de Litvak (Confessions of a Nazi Spy) ou de Fritz Lang (Ministry of Fear). The Odessa File de Ronald Neame viendra prendre le relais en 1974.
La
faiblesse majeure, ici, contrairement à ses illustres prédécesseurs,
réside dans l'utilisation d'enjeux apparemment dérisoires ou mal
identifiés. De plus, le film repose tout entier, comme dans un James Bond, sur les épaules de son personnages principal. Mais George Segal n'a pas le charisme et l'humour volontiers agressif d'un Sean Connery. Et la prestigieuse distribution est plutôt sous-employée. Alec Guinness déjeune et fait de la stratégie pâtissière, le bergmanien Max von Sydow s'emploie, tant bien que mal, à jouer, "sans munitions", un méchant allemand et George Sanders fait deux courtes apparitions. Quant à la bru de Paul Verhoeven et future partenaire d'Alain Delon dans le Diaboliquement vôtre de Duvivier, Senta Berger, elle fait dans le décoratif (avec flou esthétique dans les plans où elle figure). Même la musique de John Barry doit beaucoup à sa propre partition pour Thunderball. Au final, une impression mitigée et peu de relief auquel on pourrait (s')accrocher.
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