lundi 17 janvier 2005

Animal Crackers (l'explorateur en folie)


"One morning I shot an elephant in my pajamas. How he got in my pajamas, I don't know."

Animal Crackers est le film qui, au cours des décennies 1930 et 1940, a imposé l'idéologie marxiste*, tendance Groucho. Il s'agit de l'adaptation d'une comédie musicale créée par l'auteur du scénario de leur film précédent et jouée avec succès à Broadway, pendant près d'un an, par les frères Marx. La réalisation est assurée par Victor Heerman, un metteur en scène d'origine britannique qui avait dirigé des courts métrages de Mack Sennett et venait de participer (aux côtés notamment d'Ernst Lubitsch) au tournage d'une comédie musicale promotionnelle pour la Paramount comportant un segment, supprimé au montage, avec Gary Cooper et Richard Arlen dans le rôle de... chasseurs ! Animal Crackers est l'avant-dernier film d'Heerman, le cinéaste se consacrant, par la suite, à des adaptations de romans au cinéma. C'est aussi le dernier tourné dans les studios Paramount de la côte est des Etats-Unis.
A l'occasion du retour d'Afrique du célèbre explorateur, le capitaine Jeffrey** T. Spaulding (Groucho Marx), la riche Mme Rittenhouse (Margaret Dumont) organise un week end dans sa splendide résidence californienne où elle a invité de nombreux amis. Elle a également demandé au riche mécène Roscoe W. Chandler (Louis Sorin) d'exposer, au cours de cette réception, la magnifique toile qu'il vient d'acquérir en Europe pour cent mille dollars, "Après la chasse" du peintre français François Jacques Dubois Gilbert Beaugard. Parmi les invités figurent le maestro Signor Emanuel Ravelli (Chico Marx) et un énigmatique Professeur (Harpo Marx). Deux mondaines, Mme Whitehead et Mlle Grace, jalouses de la partie de Mme Rittenhouse, essaient de la ternir en remplaçant la peinture de Beaugard contre une mauvaise copie réalisée par l'une d'entre elles. Peu après, Arabella (Lillian Roth), la fille de Mme Rittenhouse a la même idée de substitution mais, cette fois, pour mettre en évidence les talents artistiques de son amoureux, Johnny Parker (Hal Thompson), auprès de M. Chandler. Lorsque celui-ci découvre le faux, en réalité la toile de Mlle Grace, une accusation de vol est proférée et la police est appelée.
Le génie créatif des Marx Brothers est déjà pleinement à l'œuvre dans Animal Crackers. Il paraît évident que l'intrigue est, pour eux, secondaire. Tout l'intérêt du film réside dans les situations cocasses et totalement imprévisibles que créent les principaux protagonistes et, surtout, les savoureux dialogues absurdes (au sens positif du terme) qui les accompagnent. La part d'improvisation semble importante, peut-être même majoritaire. Henri Bergson, le philosophe qui a le mieux écrit sur le rire, affirmait : "Certaines ont défini l'homme comme 'un animal qui rit'. Ils pourraient aussi le définir justement comme un animal dont on rit." Les Marx Brothers, s'ils se moquent d'une certaine haute société, parfois avec de la profondeur dissimulée sous l'humour***, et de la mode contemporaine des faux explorateurs, sont inégalés parce qu'ils possèdent une puissance de dérision et d'auto-dérision que l'on ne trouve chez pratiquement aucun autre acteur comique américain, excepté Buster Keaton. Soulignons le surréaliste échange entre Spaulding et Ravelli sur le tarif des prestations... et des non-prestations de ce dernier, la surprenante cour, parsemée d'insultes, que fait l'explorateur à Mme Rittenhouse tout au long du film, avec, pour moment fort, le dialogue à trois sur la polygamie, la parodie du vocabulaire inepte des avocats ou encore l'inventaire, à la Prévert (pas Pierre, Jacques !), destiné à mettre la main sur une lampe-torche. Mais plutôt que de me lire, allez, courrez, volez (avec des ailes, pas de méprise, hein !) vous procurer cette perle de la comédie... Vous devriez, bientôt, être en mesure de vous confectionner un collier !

N.B. il y a, dans Animal Crackers, une allusion explicite au film, tiré de sa pièce de théâtre, de Bayard Veiller, The Trial of Mary Dugan, avec Norma Shearer dans le rôle-titre. C'est un subtil clin d'œil à la surprenante chute qui clôt la production du concurrent Metro-Goldwyn-Mayer. Plusieurs remakes de ce film ont été réalisés, dont un en 1940, produit aux Etats-Unis mais en français, avec Huguette Duflos et Charles Boyer.
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*le philosophe allemand homonyme ne possédant pas le monopole de l'appellation (ce qui, au demeurant, aurait été contraire à sa doctrine) et marxien faisant, au mieux, extra-terrestre, au pire... cétacé !
**appelé Geoffrey dans la coupure de presse qui sert d'introduction au film.
***extrait d'un dialogue du début du film :
Mme Rittenhouse : je voudrais que tu oublies un peu ce Johnny Parker et montres plus d'attention à M. Chandler. Le problème, avec toi, c'est que tu prends la dimension sociale de la vie à la légère.
Arabella : Que suggères-tu, maman, le suicide ? 

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