"Le Bâtisseur d'Empire en détresse !"
En 1959, Jack Lee Thompson est sur le point de partir tourner deux de ses principaux films aux Etats-Unis, The Guns of Navarone, sur lequel il remplacera l'américain Alexander Mackendrick (The Ladykillers, produit et réalisé dans les studios anglais d'Ealing, Sweet Smell of Success) et le fameux Cape Fear. Cette année-là, un polar, Tiger Bay et un film d'aventure, North West Frontier
sortent sous sa signature, les deux derniers de sa période britannique.
Si le premier fait preuve d'originalité avec son étrange relation entre
une enfant témoin et un assassin, le second relève du classicisme
absolu sans pour autant manquer d'intérêt. Dans le même temps, Fritz Lang produisait son diptyque hindou*.
Depuis
la révolte des Cipayes de 1857, le gouvernement britannique exerce
directement le pouvoir en Inde. En 1885, la création du parti du Congrès
va contribuer à structurer le nationalisme hindou. En 1904, le vice-roi
des Indes, Lord Curzon, partage le Bengale en deux zones, l'une
hindoue, l'autre musulmane. Ces deux événements pousseront les
représentants de cette minorité indienne à réagir en créant, en 1906, la
Ligue musulmane dont l'objectif est, comme pour le parti du Congrès,
d'accéder à l'indépendance. C'est aussi le début d'une période de lutte
inter-ethnique. 1905, à la frontière nord-ouest du pays. Le maharadjah confie à un officier britannique, le capitaine Scott (Kenneth More), le soin d'emmener son fils de six ans, le prince Kishan,
dans la ville fortifiée d'Haserabad puis à Delhi. Le palais royal est,
en effet, sous la menace d'une attaque imminente de rebelles musulmans.
Le maharadjah sera tué peu de temps après le départ du petit détachement
sous les ordres du capitaine. Lorsque le groupe arrive à Haserabad,
c'est pour apprendre que le train qu'il devait prendre, le dernier
disponible et pris d'assaut par la population de la ville, vient de
partir. Le capitaine Scott réquisitionne alors une vieille
locomotive et un wagon qui devront traverser cinq cents kilomètres en
terrain hostile avant d'arriver à Kalapour. Catherine Wyatt (Lauren Bacall), la "gouvernante" américaine du prince, Lady Windham (Ursula Jeans), l'épouse du gouverneur d'Haserabad, Bridie (Wilfrid Hyde-White), un notable anglais, Peters (Eugene Deckers), un vendeur d'armes et Van Layden (Herbert Lom), un journaliste anticolonialiste, font également partie du voyage à bord de "Victoria", emmenés par Gupta (I.S. Johar), son mécanicien, et protégés par deux militaires indiens. Mais le danger ne vient peut-être pas que de l'extérieur.
Dans la version longue (environ une demi-heure de plus) de North West Frontier, Jack Lee Thompson
prend son temps pour installer la situation et les personnages sans
réel effet défavorable sur le rythme du film. Les premières minutes
déroutent par leur tonalité et par leur mise en scène, au point de
laisser penser que nous allons assister à une oeuvre originale pour le
genre. Mais le classicisme reprend vite ses droits même si, encore une
fois, cela ne nuit pas à la qualité et à l'efficacité du film. Le
réalisateur manque toutefois légèrement de doigté dans l'utilisation
fréquente et appuyée de travelling et souligne sans nuance, presque
jusqu'à la caricature, la psychologie des personnages imaginés notamment
par Patrick Ford, le fils de John Ford.
Le britannique bat sa coulpe en présentant un officier de sa royale
majesté courageux mais un peu trop catégorique, nourrissant, à
l'occasion de cette aventure, un doute sur sa carrière militaire. D'une
manière générale, les femmes (y compris "Victoria", la locomotive !) sont celles qui sont montrées sous le meilleur jour. Sur le plan de l'interprétation, si Kenneth More, qui venait de tenir avec succès le rôle principal dans A Night to Remember, la tragique épopée du "Titanic" vu par Roy Ward Baker, s'en sort avec les honneurs, tout comme, évidemment, la splendide Lauren Bacall, qui allait pourtant, après ce film, rester cinq ans loin des plateaux de cinéma, le futur inspecteur-chef Charles Dreyfus de la série The Pink Panther, Herbert Lom, semble moins à l'aise dans son personnage ambigu, ce qui le pousse à forcer le trait.
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*Resnais réinventaient, avec Hiroshima..., l'écriture cinématographique et Hawks, avec Rio Bravo, annonçait la fin du western traditionnel.
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