vendredi 7 janvier 2005

Christine


"One hell of a job!"

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Trois adaptations de romans de Stephen King sortent en cette année 1983. Dans l'ordre, Cujo de Lewis Teague, The Dead Zone de David Cronenberg (tiré d'un ouvrage paru en 1979) et Christine (lorsque Richard Kobritz et John Carpenter débutent la production de cette dernière, le dix-septième livre du populaire auteur de The Shining dont elle est tirée n'est même pas encore publié). Les films de Cronenberg et de Carpenter se retrouvent d'ailleurs, quelques jours après la sortie US de Christine, en compétition au Festival du film fantastique d'Avoriaz (dont le jury, présidé par John Frankenheimer, récompense le néerlandais De Lift de Dick Maas). Avec ce film, Carpenter revient au thriller à tendance horrifique dans un environnement urbain qu'il avait déjà développé dans Halloween. Mais, contrairement à celui-ci, il dispose de moyens financiers nettement plus substantiels (environ 10M$) apportés par Columbia.
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Arnie Cunningham (Keith Gordon) et Dennis Guilder (John Stockwell), malgré leurs différences, sont deux bons amis. Le premier est du genre premier de la classe mais complexé et vulnérable ; le second est un "beau gosse", sportif et apparemment bien dans sa peau. Ils entrent, en ce 12 septembre 1978, en senior year (dernière année) au high school de Rockbridge (Californie). Au cours de cette journée, Arnie est, avant que Dennis ne vienne à son aide, la victime d'un bizutage humiliant de la part de Buddy et de sa bande. Pendant que Dennis raccompagne son copain en voiture à son domicile, Arnie aperçoit, dans une propriété qui semble à l'abandon, une Plymouth Fury de 1957 rouge-cerise à vendre. Le véhicule est à l'état d'épave et affiche près de cent mille miles au compteur. Mais, malgré l'avis défavorable de Dennis, Arnie se porte acquéreur de Christine auprès de George LeBay (Roberts Blossom), le frère du défunt propriétaire, pour 250$. Ses parents ayant vigoureusement désapprouvé son achat, Arnie est contraint de parquer sa voiture chez Will Darnell (Robert Prosky), le propriétaire d'un garage en self-service qui fait également office de casse automobile, et il y commence ses travaux de restauration.
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Quelques jours après, Christine apparaît comme neuve pour sa première sortie, le match de football américain auquel Dennis participe. Arnie a également changé de comportement, affichant à présent une certaine assurance et sortant avec la plus jolie fille du lycée, la convoitée mais sage Leigh Cabot (Alexandra Paul), qui refusait jusqu'alors toutes les propositions de rendez-vous, y compris celle de Dennis. Pendant la rencontre, celui-ci est d'ailleurs gravement blessé et doit être longuement hospitalisé. Mais deux événements étranges vont se produire. Alors qu'ils assistent à la projection d'un film dans un drive-in, et pendant qu'Arnie tente de redresser un essuie-glace, la radio de Christine se met en marche spontanément, les portes se bloquent, une inquiétante lumière inonde l'habitacle et Leigh commence à étouffer. Elle ne doit d'être sauvée, in extremis, qu'à son instinct de survie et à l'intervention d'un autre spectateur. La même nuit, Buddy, qui a un compte a régler avec Arnie, s'introduit chez Darnell avec Moochie et ses autres complices et, ensemble, détruisent Christine. Vingt-quatre heures plus tard, la voiture d'Arnie a pourtant retrouvé sa plus belle carrosserie pour poursuivre et écraser Moochie.
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Plus qu'au réaliste et percutant Duel de Steven Spielberg, le film "surréaliste"* de Carpenter est intimement lié à une autre œuvre de Stephen King, portée à l'écran par Brian De Palma, Carrie. Dans les deux cas, il s'agit d'adolescents dans une phase trouble de leur existence, dominés par des parents trop autoritaires et qui subissent les vexations de la part d'une partie de leur entourage. Le personnage féminin de Carrie trouve logiquement des ressources extraordinaires en elle-même alors que celui, masculin, de Christine nécessite (naturellement ?!) un instrument phallique qui prend ici la forme d'une automobile**. L'adaptation concoctée par le réalisateur de The Thing a, vraisemblablement, dû en dérouter quelques uns. Certains lecteurs de Stephen King, pour commencer, notamment à cause de la suppression de la plupart des intrigues secondaires et, en particulier, celle qui mettait en scène l'ancien propriétaire de Christine, Roland LeBay. Ensuite, les amateurs de sensations très fortes. Carpenter, dont le travail cinématographique est caractérisé par l'honnêteté, la sincérité et la simplicité, apporte néanmoins une dimension que le roman ne possédait pas. Sa traduction des relations, essentielles, entre les personnages et du désir, perceptible en permanence dans le film, de s'affranchir de l'autorité, sa représentation épurée de l'intimité entre Arnie et son véhicule sonnent plus juste que dans l'ouvrage.
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Et cela n'avait rien d'évident (d'autres s'y sont fourvoyés) à partir d'une histoire dont le thème majeur est la régression (pas seulement sexuelle comme le laisseraient supposer les dialogues) qui, paradoxalement, caractérise souvent le passage à l'âge adulte. Pas de violence inutile, pas de mauvais esprit (à part, bien sûr, celui de la vedette n°1 du film !), pas de gore ou de vaine effusion d'hémoglobine dans Christine... ni d'infographie. Juste de l'intelligence, de l'énergie positive, des interprètes efficaces jusque dans les seconds rôles (remarquables Robert Prosky, Harry Dean Stanton et Roberts Blossom) et une bande musicale, capitale, qui mêle le "diabolique" rock&roll avec les compositions, à la fois élémentaires et subtiles, de Carpenter, celles qui donnent tant de personnalité à ses films. Vous avez besoin d'une preuve supplémentaire du talent de Carpenter ? Son film, qui possède bien évidemment quelques faiblesses, n'a quasiment pas subi les effets du temps.
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*bien plus convaincant que le primaire The Car d'Elliot Silverstein et sa Lincoln Mark III.
**à noter, pour poursuivre la comparaison, que Christine est rouge comme l'événement à l'origine de la prise de conscience de ses pouvoirs par Carrie.

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