"... Et il ne se sera jamais rien passé."
Tourné, pour la télévision, un an avant l'original et inquiétant Kaïro, Kôrei s'inscrit bien dans la démarche personnelle (et assez peu commerciale) du réalisateur, initiée avec Kyua. Souvent comparé, sans précaution particulière, à son cadet Hideo Nakata, Kiyoshi Kurosawa ne participe, au-delà des apparences, pourtant pas à ce courant du yurei ega (film de fantôme) que semble apprécier le public... et, désormais, les producteurs états-uniens. Car, dissimulé derrière le frisson à connotation fantastique, il y a toujours, chez Kurosawa, un projet (pour ne pas pas utiliser le terme galvaudé de "message"), certes parfois confus ou hermétique, mais ancré, avant tout, dans la réalité. C'est probablement la raison qui l'a poussé à remanier profondément le premier roman de la trilogie* de Mark McShane, Seance on a Wet Afternoon, publié en 1961 et déjà adapté au cinéma par Bryan Forbes en 1964.
Junko (Jun Fubuki) et Koji Sato (Kôji Yakusho) forment un couple ordinaire de la banlieue de Tokyo. Koji est ingénieur du son, effectuant de nombreux déplacements pour enregistrer des bruitages en extérieur. Junko est médium et elle propose ponctuellement ses services aux particuliers. Son don intéresse Hayasaka, un étudiant en psychologie, persuadé qu'il peut être utilisé à d'autres fins. Lorsque Kyoro, une fillette, est enlevée pour obtenir une rançon et que l'enquête de police sur sa disparition piétine, Junko est sollicitée, sur les conseils de Hayasaka, pour aider les inspecteurs. Ce que ne savent pas ces derniers, qui ont arrêté le ravisseur tombé dans le coma au cours de sa capture, c'est que Kyoro avait échappé à son kidnappeur et s'était réfugiée dans la valise de matériel de Koji, en mission sur le mont Fuji. Le couple Sato voit dans cette situation le moyen de valoriser les talents paranormaux de Junko et, ainsi, sortir de leur médiocre existence.
Dans Kôrei, pour paraphraser le titre d'un ouvrage de l'ethnologue Georges Condominas, "le fantastique est quotidien". Car, disons le d'emblée, il serait dommage, quoique possible, de ne voir dans ce film qu'un thriller d'horreur fantomatique. The Shining de Kubrick, qui est une référence, ou, pour rester sur le terrain nippon, les œuvres de Nakata, sans oublier l'excellent et médiéval Onibaba de Kaneto Shindô, sont infiniment plus efficaces dans le genre. L'intérêt réel du film honoré par le "prix de la critique" du Festival Fant-asia de Montréal 2001 réside, paradoxalement, dans son naturalisme, faisant fi de tout spectaculaire besogneux ou de pacotille. Avec ses teintes volontairement ternes (hormis quelques jolis effets de lumière) et sa mise en scène simple, parfois presque documentaire, le film de Kurosawa est davantage une terrifiante fable moderne sur le danger de vouloir inverser, à tous prix, son destin. Le réalisateur, qui, sciemment, soigne davantage sa bande son que ses cadrages, dresse, d'un même trait, le portrait d'un couple et d'une civilisation en déséquilibre parce qu'ils ont perdu le sens des valeurs essentielles. Ce n'est probablement pas un hasard si les époux Sato ont chacun développé un sens spécifique incorporel, auditif pour Koji, "spirituel" pour Junko, qui altère leur perception du réel et les place en situation de handicap. Comme l'était, plus trivialement, le personnage de Bill dans l'ouvrage de McShane.
___
*composé, outre le titre mentionné, de "Séance for Two" (1972) et "The Last Séance" (1982).
Tourné, pour la télévision, un an avant l'original et inquiétant Kaïro, Kôrei s'inscrit bien dans la démarche personnelle (et assez peu commerciale) du réalisateur, initiée avec Kyua. Souvent comparé, sans précaution particulière, à son cadet Hideo Nakata, Kiyoshi Kurosawa ne participe, au-delà des apparences, pourtant pas à ce courant du yurei ega (film de fantôme) que semble apprécier le public... et, désormais, les producteurs états-uniens. Car, dissimulé derrière le frisson à connotation fantastique, il y a toujours, chez Kurosawa, un projet (pour ne pas pas utiliser le terme galvaudé de "message"), certes parfois confus ou hermétique, mais ancré, avant tout, dans la réalité. C'est probablement la raison qui l'a poussé à remanier profondément le premier roman de la trilogie* de Mark McShane, Seance on a Wet Afternoon, publié en 1961 et déjà adapté au cinéma par Bryan Forbes en 1964.
Junko (Jun Fubuki) et Koji Sato (Kôji Yakusho) forment un couple ordinaire de la banlieue de Tokyo. Koji est ingénieur du son, effectuant de nombreux déplacements pour enregistrer des bruitages en extérieur. Junko est médium et elle propose ponctuellement ses services aux particuliers. Son don intéresse Hayasaka, un étudiant en psychologie, persuadé qu'il peut être utilisé à d'autres fins. Lorsque Kyoro, une fillette, est enlevée pour obtenir une rançon et que l'enquête de police sur sa disparition piétine, Junko est sollicitée, sur les conseils de Hayasaka, pour aider les inspecteurs. Ce que ne savent pas ces derniers, qui ont arrêté le ravisseur tombé dans le coma au cours de sa capture, c'est que Kyoro avait échappé à son kidnappeur et s'était réfugiée dans la valise de matériel de Koji, en mission sur le mont Fuji. Le couple Sato voit dans cette situation le moyen de valoriser les talents paranormaux de Junko et, ainsi, sortir de leur médiocre existence.
Dans Kôrei, pour paraphraser le titre d'un ouvrage de l'ethnologue Georges Condominas, "le fantastique est quotidien". Car, disons le d'emblée, il serait dommage, quoique possible, de ne voir dans ce film qu'un thriller d'horreur fantomatique. The Shining de Kubrick, qui est une référence, ou, pour rester sur le terrain nippon, les œuvres de Nakata, sans oublier l'excellent et médiéval Onibaba de Kaneto Shindô, sont infiniment plus efficaces dans le genre. L'intérêt réel du film honoré par le "prix de la critique" du Festival Fant-asia de Montréal 2001 réside, paradoxalement, dans son naturalisme, faisant fi de tout spectaculaire besogneux ou de pacotille. Avec ses teintes volontairement ternes (hormis quelques jolis effets de lumière) et sa mise en scène simple, parfois presque documentaire, le film de Kurosawa est davantage une terrifiante fable moderne sur le danger de vouloir inverser, à tous prix, son destin. Le réalisateur, qui, sciemment, soigne davantage sa bande son que ses cadrages, dresse, d'un même trait, le portrait d'un couple et d'une civilisation en déséquilibre parce qu'ils ont perdu le sens des valeurs essentielles. Ce n'est probablement pas un hasard si les époux Sato ont chacun développé un sens spécifique incorporel, auditif pour Koji, "spirituel" pour Junko, qui altère leur perception du réel et les place en situation de handicap. Comme l'était, plus trivialement, le personnage de Bill dans l'ouvrage de McShane.
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*composé, outre le titre mentionné, de "Séance for Two" (1972) et "The Last Séance" (1982).
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