"... C'est ma vie."
Entre deux comédies produites par les fameux studios Ealing, précisément juste après le très bon The Lavender Hill Mob, Charles Crichton tourne ce bien-nommé Hunted.
Le film est assez caractéristique du cinéma britannique de la fin des
années 1940 et du début de la décennie 1950, à la fois par son réalisme
et son "climat". Récit presque exclusif d'une errance, il fait
irrésistiblement penser au Odd Man Out de Carol Reed et annonce, sur le plan thématique, le Tiger Bay de J. Lee Thompson (avec lequel il partage les mêmes chef-opérateur et compositeur) et le plus tardif A Perfect World de Clint Eastwood avec Kevin Costner. Hunted, "Léopard d'or" du Festival de Locarno 1952, est également l'occasion de voir Dirk Bogarde encore au début de sa carrière et le jeune Jon Whiteley dans son tout premier rôle au cinéma.
Redoutant une sévère correction pour avoir involontairement mis le feu aux rideaux, Robbie (Jon Whiteley), un jeune enfant adopté, s'enfuit de chez lui. En cherchant un abri près des docks londoniens, il croise Chris Lloyd (Dirk Bogarde)
dans une bâtisse en ruine. Celui-ci, marin de profession, vient d'y
d'assassiner l'amant de sa femme. Pour empêcher le témoignage de
l'enfant, Chris l'emmène avec lui. Recherchés tous les deux par la police, ils vont prendre le chemin de l'Ecosse où vit le frère de Chris.
Une tendresse et une confiance réciproques vont naître et se développer
entre le fugitif et le fugueur. Ce lien presque paternel aura une
incidence sur les choix cruciaux de Chris.
A partir d'un scénario d'une simplicité enfantine, Charles Crichton construit un film concis et solide comme on les aime. Tout l'intérêt de Hunted réside dans ses ambiances sombres, industrieuses soulignées par la photographie d'Eric Cross et dans cette relation particulière entre les deux personnages principaux (les autres sont, de toutes façons, très secondaires),
blessés physiquement et/ou psychologiquement. Sur le plan narratif, ce
sur quoi joue le film et qui fait sa singularité, c'est sa grande
linéarité et le caractère extrêmement tardif du point culminant. Si le
motif final de la rédemption n'est pas original en soi, il est amené de
façon plutôt adroite et permet une conclusion ouverte efficace.
Intéressante prestation de Dirk Bogarde
que l'on connaît mieux dans ses rôles ultérieurs où sa réserve et sa
maîtrise excellent. L'étendu de son talent qu'il montrera, notamment, à
partir des années 1960, est déjà perceptible dans son interprétation
d'un meurtrier en plein désarroi. De son côté, le jeune Jon Whiteley, le futur John Mohune du Moonfleet de Fritz Lang,
donne, par son inexpérience, de la fraîcheur au film, en particulier si
l'on fait attention à ses regards. Les deux acteurs se retrouveront
quatre ans plus tard dans The Spanish Gardener de Philip Leacock. Notons, enfin, que la bande musicale, assez hitchcockienne, est bien accordée avec la tonalité générale du film.
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