"Il valait mieux pour lui être malin qu'intelligent."
Comme Roger & Me, Manufacturing Dissent
raconte l'histoire d'une entrevue qui n'aura finalement jamais lieu.
Avec néanmoins une différence significative : le second est bien un
documentaire, le premier... peut-être pas. Chemin faisant, ce qui, en
effet, aurait dû prendre la forme d'une classique biographie filmée
s'est transformé en portrait particulièrement contrasté du controversé Michael Moore. Le film des Canadiens Debbie Melnyk et Rick Caine
essaie également de comprendre comment un réalisateur quadragénaire
quasi inconnu jusqu'en 2002, au physique ingrat proche de celui de Roscoe 'Fatty' Arbuckle, est devenu, en l'espace de quelques années, une vedette (oscarisée puis palmée)
du cinéma international et l'influente figure de proue d'un genre
considéré jusque-là par le plus grand nombre comme relativement mineur*.
En
recueillant de nombreux témoignages divergents d'amis, collaborateurs,
journalistes, hommes politiques, critiques ou inconnus et en déroulant
le parcours de cet enfant du Michigan, issu d'une famille ouvrière
catholique et démocrate installée dans une petite ville cossue, ancien
membre de la National Rifle Association (qu'il pourfendra pourtant dans son premier grand succès, Bowling for Columbine), l'image et la personnalité de Michael Moore
s'affinent. Ses méthodes de travail, souvent contestées, qui associent,
de façon audacieuse ou pernicieuse selon les points de vue, réalité et
fiction, politique et divertissement, sont également examinées.
En le suivant (ou en tentant de le faire) dans certains de ses déplacements publics, notamment aux côtés des opposants à George W. Bush, se révèle progressivement un personnage bien moins sympathique qu'il ne voudrait paraître, sorte de Dr. Mike & Mr. Michael
charmeur ou égocentrique, n'hésitant pas à avoir recours à la
manipulation et partageant avec son principal adversaire, belliqueux
héros de Fahrenheit 9/11, une même vision confuse de la réalité. Après Michael Moore Hates America de Michael Wilson et quelques autres documentaires qui ont, depuis 2004, alimenté la polémique controverse autour de Michael Moore, Manufacturing Dissent (i.e. "la fabrication de la dissidence"**), sans conteste le plus complet et intéressant sur le sujet, prend le Citizen Moore à son propre jeu... mais en respectant les règles !
(voir également News du 22 mai 2004)
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*avec lequel est né le cinéma, et tant pis pour John Grierson, Albert Maysles, Kevin Macdonald, Jean-Michel Carré ou Didier Mauro, pour ne citer que quelques "documentaristes".
**référence à un autre documentaire canadien, Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the media de Mark Achbar et Peter Wintonick produit en 1992, consacré au linguiste Noam Chomsky, à l'activisme politique et la propagande.
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