samedi 1 mars 2008

La Tragedia di un uomo ridicolo (la tragédie d'un homme ridicule)


"Ca, ce n'est pas écrit. Je l'ai ajouté."

 - film - 9892_4
Lorsque sort La Tragedia di un uomo ridicolo, dernière production authentiquement italienne de Bernardo Bertolucci, les Brigate Rosse, marginalisées par le meurtre d'Aldo Moro* puis ses méthodes mafieuses, ont quasiment disparu du paysage politique national. Avec ce film, le cinéaste porte un regard à la fois nostalgique et désenchanté sur l'évolution de son pays depuis la fin de la guerre, sur sa douloureuse mutation sociale, sur les contradictions d'un mouvement politique, fondé en Emilie-Romagne (la région de naissance de Bertolucci) largement implanté à son origine dans les usines avant de passer à l'action terroriste et, surtout, sur la morale bourgeoise. La Tragedia di un uomo ridicolo constitue également l'unique collaboration du réalisateur avec son voisin lombard Ugo Tognazzi, né à Cremona distante de quelques dizaines de kilomètres de l'autre côté du Pô, ainsi qu'avec le fameux directeur de la photographie romain Carlo Di Palma.
 - film - 9892_6
Le jour de son anniversaire qu'il a fêté avec ses collaborateurs, Primo Spaggiari ouvre le paquet contenant le cadeau envoyé par son fils Giovanni. Ce patron et propriétaire d'une fromagerie industrielle de la région de Parme découvre une casquette de capitaine de navire, une paire de jumelles et un pistolet de détresse. Muni de sa panoplie, il monte sur le toit du bâtiment pour observer autrement son environnement quotidien. Il aperçoit bientôt la voiture de Giovanni, poursuivi par un autre véhicule, verser dans le fossé qui borde la routé. Le jeune homme tente de s'enfuir mais il est rapidement rattrapé et emmené par trois hommes. Après l'enquête préliminaire de la police sur le lieu de l'enlèvement, Barbara, l'épouse française de Spaggiari, se lance dans un minutieux inventaire destiné à évaluer la somme susceptible d'être mobilisée par la vente de l'usine pour le paiement d'une probable rançon. Celle-ci, fixée à deux milliards, ne tarde pas à être réclamée dans une courte lettre écrite par Giovanni déposée chez les Spaggiari le jour de la toute première visite de Laura, ouvrière à la fromagerie, chez les parents de son copain.
 - film - 9892_10
Malgré leurs évidentes différences narratives et formelles, il existe une certaine parenté entre Novecento et ce dixième long métrage de Bernardo Bertolucci. Primo Spaggiari n'est-il pas, en quelque sorte, le cynique rejeton embourgeoisé d'Olmo Dalco ? Ce qui frappe dans ce récit narré à la première personne, c'est l'absolue impuissance du personnage interprété par Ugo Tognazzi, ancien combattant du fascisme ayant connu une réelle mais fragile ascension sociale, confronté aux gauchistes et ambigus acteurs de la génération suivante. Impuissance soulignée par son incapacité à donner une cohérence à la résolution de la "tragédie" dont il essayait de tirer (un véritablement collectif ?) profit. La Tragedia di un uomo ridicolo ne possède certes pas la verve féroce du Borghese piccolo piccolo réalisé par Mario Monicelli quatre ans auparavant. Aux côtés d'Anouk Aimée qu'il retrouvait pour la troisième et pénultième fois, de Laura Morante, de Victor Cavallo et de son fils et futur réalisateur Ricky, Ugo Tognazzi offre cependant une jolie composition qu'il lui valut notamment une "Palme d'or" en 1981.
___
*président du Conseil jusqu'en 1976, chef de l'aile progressiste de Democrazia cristiana et acteur du compromis historique avec le PCI dirigé par Enrico Berlinguer, figure politique marquante qui fera l'objet en 1984 d'un hommage sous la forme court métrage documentaire auquel participera Bertolucci.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire