Selon le principe, bien connu dans le milieu sportif, qu'on ne change pas une équipe qui gagne, nous savions avant même la sortie de The Bourne Supremacy que le duo Greengrass-Damon serait reconduit pour un troisième volet des aventures de Jason Bourne dont le titre constitue le seul lien avec le roman paru en 1990 du défunt Robert Ludlum. Et ils étaient nombreux les spectateurs soucieux de connaître enfin l'identité de ce singulier héros dont l'efficacité et l'incroyable résistance ont récemment inspiré son (vieux mais régulièrement renouvelé !) cousin britannique doté des même initiales. The Bourne Ultimatum a en effet enregistré près de 443M$ de recettes à travers le monde (contre 288M$ pour le précédent opus sorti trois ans auparavant), avec un quasi rééquilibrage entre publics étasunien et international. Le film se classait à la septième position du box-office US 2007, soit la meilleure production Universal de l'année. Il a également obtenu les trois "Oscars" techniques (montage, son et effets sonores) des catégories où il était sélectionné.
Grâce aux renseignements d'un informateur rencontré à Turin, le journaliste britannique du "Guardian" Simon Ross publie un article révélant l'existence et l'activité passée de Jason Bourne. L'évocation par Ross à un interlocuteur téléphonique de la très confidentielle opération "Blackbriar", à son retour à Londres, déclenche aussitôt à New York un dispositif très serré de surveillance de la part de la CIA. Bourne, revenu de Moscou où il aurait cherché à entrer en contact avec la fille de sa toute première victime, demande à rencontrer Ross et lui fixe rendez-vous à Waterloo Station. L'ancien agent de Treadstone constate bien vite que son interlocuteur est suivi et, comme lui, probablement menacé, mais il ne peut empêcher son assassinat au milieu du public. Grâce à des indications laissées par Ross, Bourne pense retrouver l'informateur de ce dernier à Madrid. Au siège du département anti-terroriste de la CIA, Noah Vosen, partisan d'éliminer la menace que constitue Bourne pour l'agence, s'oppose à Pamela Landy, convaincue que celui-ci ne cherche qu'à reconstituer une partie essentielle de son passé qu'il a oubliée.
"Welcome to the program", une invite répétée à plusieurs reprises au cours du film qui s'apparente un peu à celle d'un forain destinée aux futurs clients de son attraction, des montagnes russes*. Le troisième scénario co-signé à nouveau par Tony Gilroy, qui surfe avec délectation sur la va(o)gue de la théorie du complot, reste en effet parfaitement en ligne (accidentée !), dans sa frénésie quasiment paroxysmique, avec le précédent. Le rythme est endiablé, haletant, "poly-climaxique" et ne ménage que quelques rares phases de récupération au cours desquelles le personnage principal poursuit, par son trouble et ses hésitations, son retour progressif à une certaine humanité. Depuis The Bourne Supremacy, Paul Greengrass rénove suffisamment les genres auxquels cette série est sensée appartenir au point de laisser penser que polar, action ou thriller ne semblent plus réellement adaptés pour la décrire.
Véritable "Jack in the box" triste et efficace, Jason 'même pas mal !' Bourne, par ses farouches sérieux et solitude, ne ressemble à aucun des "héros" de ces catégories. Cette particularité et les exigences artistiques de Matt Damon constituent à la fois une force mais aussi un handicap susceptible de compromettre la possible pérennité de la franchise. "The Bourne Legacy" et "The Bourne Betrayal", sortis en librairies en 2005 et 2007 sous la signature d'Eric Van Lustbader, connaîtront-ils un prolongement cinématographique ? Greengrass s'y prépare, avec le consentement tardif et conditionnel de son acteur. La fin ouverte de The Bourne Ultimatum, plongée dans l'élément naturel où tout avait commencé, autorise toutes les supputations.
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*la séquence d'ouverture n'a-t-elle pas Moscou pour décor, assurant ainsi la continuité avec l'épisode précédent ?
Extrait d'interview :
On compare souvent Jason Bourne à James Bond. Qu'en pensez-vous ?
Matt Damon : "Je comprends qu'on veuille
les comparer parce qu'ils sont tous les deux des espions. Mais les
personnages sont tellement différents qu'ils ne sont pas comparables.
Bond est un anachronisme, il est ancré dans les valeurs des années 1960.
Mike Myers a amassé une fortune avec sa propre trilogie (Austin Powers),
qui montre ce qui arrive lorsqu'on plonge un personnage des années 1960
dans le monde d'aujourd'hui. C'est comique. Bond est un impérialiste et
un misogyne. Il assassine des gens et en rigole. Il boit des Martini et
raconte des blagues. Bourne ne travaille pas pour le gouvernement, il
est traqué par lui. Il est amoureux d'une seule femme et, quand elle
meurt, il ne pense qu'à elle. Il a des remords, éprouve de la compassion
pour les autres et se sent coupable quand il blesse les gens. C'est un
être humain qui évolue. Bourne n'est ni meilleur ni pire que Bond. Il
est juste différent."
Y aura-t-il un quatrième film de Jason Bourne ?
MD : Il faut poser la question à Paul
(Greengrass). S'il est partant, je serais prêt à le faire. Il faudrait
apporter quelques changements pour revigorer la franchise. On pourrait
peut-être songer à en faire une comédie musicale ou un porno !''
(Matt Damon interrogé par "Le Matin Online")
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