mardi 11 mars 2008

Orizuru Osen (la cigogne en papier)


"... Mais il m'a rendu mon âme."

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Des trois films de Kenji Mizoguchi sortis, à quatre ou cinq mois d'intervalle, au cours de l'année 1935, le premier d'entre eux est probablement le moins méconnu. Tiré d'une histoire intitulée "Baishoku Kamonanban" de l'écrivain et dramaturge kabuki Kyoka Izumi*, Orizuru Osen marque à la fois la fin de la période de cinéma muet du réalisateur et le début de la courte activité de sa structure de production indépendante fondée à Kyoto l'année précédente. Ce drame s'inscrivait alors dans une série de Meiji-mono (film se déroulant durant l'ère Meiji), entamée en 1934 pour la Shinkô Kinema avec Jinpu-ren, que Mizoguchi finira par désavouer en raison de leur lyrisme immodéré.
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Dans une gare tokyoïte paralysée par une panne d'électricité, sans doute provoquée par un fort orage, un homme distingué sur le quai et une femme assise dans la salle d'attente regardent au loin le sanctuaire de Kanda. Là, une jeune femme en fuite empêche un adolescent désespéré, rencontré sur place, de commettre un geste fatal. Rattrapée par ses poursuivants, Osen obtient de pouvoir s'occuper du garçon nommé Sokichi Hata qu'elle vient de sauver. L'ancienne geisha est destinée à servir d'appât à une bande d'escrocs dirigée par Kumazawa pour s'approprier deux précieuses statuettes de Bouddha du VIIIe siècle dont un temple menacé de ruine est doté.
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Il y a dans Orizuru Osen une étrangeté qui confine parfois au fantastique. Rien d'étonnant lorsque l'on connaît l'influence exercée par les récits médiévaux de l'ère Edo, dans lesquels le surnaturel s'immisce assez régulièrement, sur l'œuvre de Kyoka Izumi. Cette atmosphère singulière est d'ailleurs renforcé par la construction narrative dont la logique ne s'impose pas immédiatement, d'autant qu'elle n'hésite pas à s'appuyer sur des deux flash-back imbriqués. Le film apparaît essentiellement comme un conte moral mettant aux prises l'abjection et la destruction d'un côté, la rédemption et la renaissance de l'autre. Ce dualisme thématique est souligné sur le plan artistique par l'excellent travail d'éclairage et de photographie de Minoru Miki, jouant sur des contrastes tranchés ou mouvants. Très belle interprétation, dans le deuxième des six films tournés avec Mizoguchi, d'Isuzu Yamada que l'on reverra chez notamment Ozu, Naruse et Kurosawa, et de Daijirô Natsukawa, son partenaire dans le récent Aizo toge.
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*auteur en particulier de "Koya Hijiri" (1900) et dont les ouvrages ont été plusieurs fois portés à l'écran, à deux reprises déjà avant Orizuru Osen par Mizoguchi.

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