"Surtout pas toi..."
Entre Hitokiri et Kiryûin Hanako no shôgai, Hideo Gosha tourne quatre films parmi lesquels deux yakuza eiga Shussho Iwai et Yami no karyudo avec Tatsuya Nakadai et Tetsuro Tamba. Si le parrain d'un boryokudan y sert là aussi de figure tutélaire, cette première des trois adaptations du cinéaste tirées de romans de l'auteure Tomiko Miyao (d'ailleurs également connue sous le titre d'"Onimasa")
s'apparente davantage à un drame familial raconté à la première
personne du pluriel. Nommé dans onze catégories à la sixième édition des
Japanese Academy Prize*, le film valut à Masako Natsume un prix d'interprétation décerné par la critique.
Eté 1940. Matsué Kiryûin
traverse avec difficulté le groupe de curieux amassés devant une maison
d'Hashimoto, le quartier des plaisirs de Kyoto, protégée par la police.
La jeune femme y découvre le corps d'Hanako, la fille de son père, morte en couches selon les enquêteurs. Matsué
se remémore alors les événements dont elle a été l'actrice et le témoin
au cours des vingt-deux années précédentes. Tout avait commencé
lorsqu'elle et son jeune frère Hiraku, aînés des nombreux enfants d'un pauvre couple de commerçants installé sur l'île de Shikoku, avaient été adoptés par Masagoro 'Onimasa' Kiryûin, le parrain d'un clan yakuza, et son épouse Uta. Très contrarié et malheureux, Hiraku s'était enfui dès la première nuit passée dans la luxueuse résidence Kiryûin. 'Onimasa' emmenait bientôt Matsué assister à un spectacle de combats de chiens. La victoire de son canidé sur le champion en titre appartenant à Suenaga,
contestée par ce dernier, mettait alors aux prises les deux chefs de
clan. Venu venger la mort de son chien, tué par les hommes de Suenaga, 'Onimasa', en l'absence de celui-ci, décidait d'enlever Tsuru,
une de ses maîtresses. Cette nouvelle compagne donnait au parrain, peu
de temps après, son premier enfant, une fille prénommée Hanako.
L'identité
du personnage principal constitue le premier élément intriguant du
film. S'agit-il de la défunte qui lui donne son titre ? Est-ce son père
ou encore la narratrice de ce long récit raconté en flash-back ? En
réalité, Kiryûin Hanako no shôgai (trad. littér. : "la vie d'Hanako Kiryûin") ne le précise jamais, même si la primauté fondatrice de Matsué
s'avère objectivement indéniable. Dans cette véritable "chute de la
maison Kiryûin", les destins du père et de ses deux filles sont en effet
si étroitement associés que le film choisit, si l'on ne considère pas
la présence à l'écran comme déterminante, de ne privilégier aucun
d'entre eux. La richesse du scénario, l'intérêt des aspects historiques,
sociaux et psychologiques qui l'animent**, n'ont d'égal que la grande
maîtrise de sa production (réalisation, photographie, décors...) aux influences dramaturgiques assez nettes. La formidable interprétation d'Onimasa par Tatsuya Nakadai semble ici accréditer la thèse de l'origine kabuki-mono des yakuzas. Mais il faut aussi saluer celles de Shima Iwashita et, sutout, de Masako Natsume dont la carrière fut, hélas, bien trop courte.
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*cérémonie toute à la célébration du Kamata koshin-kyoku de Kinji Fukasaku.
**la reconversion des anciens samouraïs en gangsters, l'utilisation
des yakuzas par le patronat nippon, la scolarisation des filles...
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