"Tu dois renoncer à tout, c'est ton destin."
Alors que la carrière du solaire Kurosawa déclinait progressivement en produisant quelques uns de ses plus beaux éclats, celle d'Hideo Gosha demeurait, avec un ou deux films par an, encore très active. A peine huit mois séparent en effet la sortie du gendai geki "yakuzien" Gokudô no onna-tachi de celle de Yoshiwara enjo. Avec cette pénultième production pour la Toei, inspirée par les œuvres graphiques de Shinichi Saito,
le réalisateur revient au drame historique, genre dans lequel s'exprime
le mieux la diversité de son talent. Titulaire d'un second rôle dans Kai et à peine rescapée d'un film de science-fiction, Yûko Natori était choisie pour y être l'interprète principale.
Printemps 1907. Après avoir passé la visite médicale préalable et été enregistrée au bureau d'inspection, Hisano est conduite par le zegen Késaji
dans la luxueuse maison de geishas du quartier réservé de Yoshiwara. Le
grave revers de fortune subi par le père de la jeune femme,
propriétaire d'un navire de marine marchande, a contraint celui-ci à la
céder à cet établissement pour rembourser une partie de ses dettes. Là, Hisano est successivement présentée aux trois grandes geishas, Kokonoé, Yoshizato et Kobana, la première d'entre elles étant chargée d'instruire la nouvelle maiko. Devenue geiko sous le nom de Wakashio, Hisano
se voit confier son premier client. Effrayée, elle tente de s'enfuir
mais elle est rattrapée, ligotée et enfermée dans un débarras. Kokonoé l'en libère pour lui offrir une séance de formation particulière. Au cours de l'été suivant, Wakashio retrouve Yukichi,
son tout premier amant, qui dans la fougue de leurs ébats, lui déclare à
nouveau son amour et le désir d'en faire son épouse. Elle est ensuite
introduite auprès d'un riche client, l'héritier Nobusuké Furushima, l'inconnu en uniforme qui avait essayé de l'aider lors de sa tentative de fuite.
En découvrant, il y a deux ans, le mélodrame de Rob Marshall tiré du roman Memoirs of a Geisha d'Arthur Golden, je n'avais pu m'empêcher de penser au film d'Hideo Gosha,
vu au moment de sa sortie en salles au Japon. Et notamment de constater
une nouvelle fois la difficulté qu'éprouvent souvent les Occidentaux à
traduire (sans parler de comprendre !) les subtilités de la
civilisation nippone. Les différences, scénaristiques et artistiques,
entre la co-production étasunienne et Yoshiwara enjo
se révèrent par ailleurs assez nettes. Les éléments psychologiques et
sociaux sont en particulier bien plus marqués dans ce dernier. Ce récit,
narré sans longueur subjective sur une période de quatre ans, est
incessamment parcouru par le thème de l'aliénation, une sorte de
fascination quasi nihiliste du malheur servant de facteur commun à la
plupart des personnages qui l'animent. Par celui du mensonge aussi,
l'imaginaire constituant avec l'ivresse et l'apparat l'un des rares
refuges pour échapper à une réalité misérable et souffrante. La maîtrise
et l'inventivité retrouvées de Gosha
apportent une vibration singulière au climat sombre et tragique du
film. Le spectaculaire travail de production accompli permettait, avec
justice, à Yoshinobu Nishioka de succéder à Takeo Kimura (Umi to dokuyaku) au palmarès des Mainichi Eiga Concours, Rino Katase recevant pour sa part un prix d'interprétation aux Japanese Academy Prize.
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