"Les femmes qui recherchent le plaisir sont dangereuses."
Sorti la même année que Botchan, une première adaptation tirée de l'œuvre du poète et écrivain Natsume Soseki réalisée par Kajiro Yamamoto, Gubijinsô fait figure d'élément plutôt atypique dans la carrière de Kenji Mizoguchi. Le film peut en effet être qualifié de pur mélodrame (au sens anglo-saxon du terme) et repose sur un scénario, signé notamment par Daisuke Itô
également réalisateur, à la trame assez simple et linéaire. En outre,
si les personnages féminins, pour lesquelles la prédilection du cinéaste
est bien connue, y tiennent une place prééminente, le rôle principal
est ici tenu par Ichirô Tsukida, un acteur ayant débuté chez Yasujiro Ozu, retenu à plusieurs reprises par Shigeyoshi Suzuki et dont il s'agit de l'unique collaboration avec Mizoguchi.
Le vieil enseignant Tomotaka Inoue et sa fille unique Sayoko sont sur le point de quitter Kyoto pour aller vivre à Tokyo. Ils vont y retrouver Ono, parti cinq ans plus tôt afin d'y accomplir ses études. Orphelin recueilli et élevé comme son fils par Inoue, le jeune homme était depuis devenu un brillant étudiant sur le point de terminer la rédaction de sa thèse de doctorat. Sayoko se réjouit particulièrement de ce départ, persuadée d'être bientôt demandée en mariage par Ono. Mais celui-ci fréquente assidûment la belle Fujio, probable héritière, grâce à sa mère, de la fortune de son père au détriment de son demi-frère Kingo. La jeune femme passionnée est pourtant depuis longtemps promise à Hajime Munechika.
Mais les échecs successifs de ce dernier, destiné à une carrière
diplomatique, ont considérablement affaibli les prétentions aux yeux de Fujio et, surtout, de sa mère.
Symbole de l'ardeur fragile, le coquelicot qui donne son titre à l'ouvrage publié en 1907 du Proust ou Henry James
nippon caractérise bien la psychologie du personnage principal et, plus
généralement, de tous les hommes de cette intrigue fondée sur un
dilemme sentimental quasi cornélien. La détermination des trois femmes y
apparaît d'ailleurs, par contraste, d'autant plus forte. Lorsque l'on
connaît la vie et surtout l'œuvre de Natsume Soseki, une des voies d'accès privilégiées à la littérature japonaise selon moi, Gubijinsô apporte une preuve supplémentaire des qualités de lecteur et d'adaptateur de Kenji Mizoguchi. La traduction des obsessions sosekiennes (l'incapacité
d'incarner ou de vivre l'amour, les tentatives maladroites, souvent
abandonnées de se parler, la sensation permanente de l'inaccompli et,
comme l'auteur lui-même, de ne pas être à sa juste place) est apportée avec une finesse rare. Kuniko Miyake, qui débutait presque avec le rôle de Fujio, sera l'une des actrices régulières du cinéma d'Ozu au cours des années 1950. Mizoguchi fera de nouveau appel à Chiyoko Okura et à Yôko Umemura pour Naniwa erejî. Une nouvelle adaptation du roman sera réalisée en 1941 par Nobuo Nakagawa pour la Toho avec Ureo Egawa, Ranko Hanai et Noboru Kiritachi.
NB : pour respecter la chronologie de sorties des films, celui-ci devrait figurer après le suivant !
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