"... Extremities only."
Depuis le succès rencontré par son court métrage Bullet in the Brain, le réalisateur David Von Ancken s'était surtout consacré à la télévision, notamment la série Cold Case pour laquelle il a dirigé quatre épisodes. Seraphim Falls, son premier et actuel unique long métrage de cinéma (produit par Bruce Davey pour Icon Production, la structure indépendante de Mel Gibson),
est un western atypique et, malgré le classicisme de sa thématique
principale, original et accrocheur. Annoncé à Cannes en mai 2005 et
présenté en première au festival de Toronto seize mois plus tard, le
film, qui réunit pour la première fois les Irlandais Pierce Brosnan et Liam Neeson, n'a étrangement pas connu de distribution en France*. Il mérite pourtant, assurément, d'y rencontrer son public.
Ruby
Mountains, 1868. Un homme est poursuivi depuis plusieurs jours par cinq
individus. Touché par balle au bras, il doit soudainement abandonner
son repas, ses armes et son cheval pour leur échapper en dévalant les
pentes neigeuses. En tentant de traverser sur un arbre les eaux
tumultueuses d'un fleuve, il y tombe et est entraîné jusqu'à une chute
où il manque de se noyer. Trempé et frigorifié, il trouve encore le
courage et la force de retirer le projectile de son bras blessé. Le
groupe sur sa trace se rapprochant, il réussit à le séparer en
brouillant les pistes et parvient à tuer Pope, l'un des quatre membres engagés et conduits par l'ex-colonel confédéré Carver.
Arrivé à proximité d'une petite maison, le fuyard essaie d'y voler le
cheval mais il est mis en joue avec un fusil par une jeune fille avant
de s'écrouler, épuisé par sa blessure, par sa longue marche et par la
faim. Aidé de son jeune frère Nathaniel, Charlotte emmène l'inconnu à l'intérieur et lui prodigue des soins. Le père des deux enfants arrive bientôt et Gideon lui propose d'acheter son cheval à un bon prix.
Ce qui surprend et séduit dans Seraphim Falls,
c'est cet étonnant mélange de radicalité et de mysticisme peu habituel
dans la tradition du western. Le scénario parvient à s'extraire du thème
éculé de la vengeance qui le sous-tend pour explorer une dimension
essentiellement morale dans laquelle s'immisce, de manière presque
explicite, le surnaturel. Cette poursuite acharnée captive surtout parce
qu'elle met aux prises un (nordiste) croyant et un (sudiste)
athée dont on ne sait longtemps presque rien de l'identité et des
motivations, tout en mettant en évidence, dans un subtil mouvement
d'opposition et de conjonction, leur comportement spécifique. En ce
sens, plus qu'un lieu, invoqué (et non évoqué !) brièvement, Seraphim Falls pourrait bien au fond signifier les chutes de Séraphin(s),
ces puissantes créatures célestes entourant le trône divin, par leur
incarnation-déchéance en êtres humains, tous deux hantés par les mêmes
cauchemars.
La
référence régulière à la figure symbolique du feu plaide d'ailleurs
pour cette thèse. L'efficacité produite par la forte linéarité du
scénario, la beauté visuelle de la nature et de ses climats, des reliefs
glacials de l'Oregon aux étendues désertiques du New Mexico, l'épure de
la photographie du brillant et oscarisé John Toll ajoutées aux énergiques et insolites interprétations de Pierce Brosnan** et de Liam Neeson font de ce premier film une réelle réussite.
___
*comme le très bon The Proposition de l'Australien John Hillcoat auquel il fait parfois penser.
**judicieux remplaçant, au cours de l'été 2005, de Richard Gere initialement casté pour le rôle de Gideon.
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