"Ca c'est pas une bêtise... c'est un malheur."
Entamée le 20 mai 1940, alors que la France était officiellement en guerre depuis le 3 septembre précédent, la production de La Fille du puisatier dut bientôt s'interrompre en raison de l'offensive suivie de l'invasion de l'armée allemande (10 mai-22 juin) et de l'exode consécutif. Le tournage reprit le 13 août de la même année avec une distribution inchangée (à l'exception de Betty Daussmond, remplacée par Line Noro), notamment la nouvelle et éphémère conquête de l'écrivain-cinéaste, Josette Day, partenaire de Raimu dans l'adaptation de la pièce de Gaston Armand de Caillavet, Monsieur Brotonneau, qu'il a récemment signée pour Alexander Esway.
Le contexte singulier de l'époque eut pour conséquence de faire
connaître au film une sortie différenciée, d'abord en zone libre (Lyon le 20 déc. 1940) puis en zone occupée (Paris le 24 avril 1941).
Le jour de ses dix-huit ans, Patricia rencontre Jacques Mazel, le fils d'un riche commerçant de Salon, alors qu'elle apporte son déjeuner à son père Pascal Amoretti.
Malgré son air farouche, l'aînée des six filles du puisatier est
instantanément séduite par le jeune homme qui l'a aidé à traverser la
rivière en la portant dans ses bras. Au point qu'elle le recherche un
peu plus tard pour profiter à nouveau de sa courte étreinte et accepte
de faire un bout de chemin avec lui en motocyclette. Dans le même temps,
Félipe Rambert, l'ami et collaborateur d'Amoretti, avoue à celui-ci ses sentiments pour Patricia et ses projets matrimoniaux, accueillis avec bienveillance. Invité à dîner chez les Amoretti, Félipe invite Patricia à l'accompagner à un meeting aérien et ne réussit à la convaincre que lorsqu'il évoque la présence de l'aviateur Jacques Mazel, son vieil ami d'école. Le lendemain, profitant de l'absence de Félipe, Mazel donne rendez-vous à Patricia et l'emmène dans sa garçonnière. En attendant la jeune femme, prétendument en visite chez une tante, Félipe s'enivre et ne peut plus la ramener chez dans son automobile. Mazel propose alors de l'y conduire en moto.
Marcel Pagnol apporte à un sujet sensiblement identique à celui de sa Trilogie, un développement et un dénouement différents. Moins intense et lyrique que celle-ci, La Fille du puisatier
se caractérise surtout par son imbrication plus ou moins marquée dans
les événements contemporains : guerre, conscription et armistice, un
discours de Pétain diffusé à la TSF venant d'ailleurs servir
d'ingrédient narratif au scénario. L'opposition de classes sociales y
est aussi légèrement plus prégnante. La composition, classique mais
belle, de Raimu, dans son quatrième et dernier rôle chez Pagnol réalisateur, constitue, pour l'essentiel, la saveur et l'intérêt du film aux côtés d'un Fernandel encore une fois impeccable. La prestation de Josette Day est dans l'ensemble moins convaincante. La future héroïne-titre de La Belle et la bête de Jean Cocteau et son amant Pagnol* (une nouvelle fois en tant qu'adaptateur) partageront à nouveau l'affiche d'Arlette et l'amour de Robert Vernay tiré de la pièce de Félix Gandéra.
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*le cinéaste et l'actrice tournèrent également La Prière aux étoiles, resté inachevé.
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