"Tout le monde possède un démon, sauf toi !"
Découvert en France en 2001 avec Cheung fo, le producteur-réalisateur Johnny To, dont la carrière a débuté en 1980, avait déjà à cette époque vingt-trois productions à son actif. Et le "Jerry Bruckheimer hongkongais"
en a depuis tourné autant. Cette véritable institution de l'ancienne
colonie britannique est aussi l'un des rares cinéastes asiatiques de
films dits d'action à fréquenter régulièrement les prestigieux festivals
internationaux tels que Cannes (en 2004 avec Daai si gin hors compétition puis en 2005, Hak se wui), la Mostra (2006, Fong juk) ou encore la récente Berlinale (2008, Man jeuk). Sans oublier le Festival du film policier de Cognac qui décerna en 2004 à PTU son 22e "Prix spécial du jury"*. Sun taam constitue le onzième et actuel dernier opus de la collaboration initiée en 2000 (les comédies Lat sau wui cheun et Goo laam gwa lui) avec son cadet Wai Ka-fai. Un polar insolite dans la lignée de Chuen jik sat sau, mais avec lequel la parenté ne saute pourtant pas immédiatement aux yeux... et aux esprits.
Inspecteur à la Brigade Criminelle de Koowloon West, Ho Ka-on piétine dans l'enquête sur la disparition de son collège Wong Kwok-chu. Dix-huit mois plus tôt, cet agent, accompagné de son équipier Ko Chi-wai,
avait poursuivi de nuit un suspect dans une forêt et n'était jamais
réapparu. Son revolver de service avait ensuite servi à plusieurs vols
meurtriers perpétrés par un individu dont la visage apparaît toujours
masqué sur les vidéos de surveillance recueillies par la police. Ho décide de faire appel à son aîné Chan Gwei-bun,
un fantasque mais remarquable profileur dont il fut le stagiaire,
contraint à une retraite anticipée en raison de l'aggravation de
certains troubles mentaux. En filant Ko aux côtés de Ho, Bun découvre bientôt que celui-là a la particularité de posséder sept personnalités intérieures toutes très différentes.
Sciemment tortueux, déstructuré voire excentrique, le scénario de Sun taam co-signé par Au Kin-yee prend d'emblée le parti de se placer sous l'emprise psychologique (psychotique !)
de son personnage-titre, et cela fonctionne dans l'ensemble plutôt bien
si l'on en accepte le principe. Car l'intrigue, a priori élémentaire,
s'évertue à brouiller les pistes, à rendre les apparences furieusement
trompeuses et la réalité qu'elles recouvrent... encore davantage. On
peut cependant regretter qu'elle n'explore pas les ressources qu'elle
recelait. Le risque substantiel du film consiste alors à créer une
distance, une altérité presque infranchissable vis à vis du spectateur. A
l'exception de quelques trouvailles visuelles intéressantes et autres
citations de films, la réalisation, habituellement rigoureuse et/ou
virtuose chez Johnny To, fait ici également parfois preuve d'une surprenante désinvolture. Sun taam est un Rogue cops movie plaisant mais se situe artistiquement un peu en retrait par rapport aux précédentes productions de To.
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*partagé avec The Cooler de Wayne Kramer.
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