"... Depuis la rivière."
Cinquième mélodrame du cycle entamé par Douglas Sirk en 1953 avec All I Desire, Written on the Wind est certainement un des sommets de la carrière américaine du réalisateur né en Allemagne. Deux ans après Magnificent Obsession dans lequel Rock Hudson se faisait remarquer dans un premier rôle, le film est une adaptation d'un roman du méconnu Robert Wilder publié en 1946, soit deux ans après l'arrivée de l'écrivain à Hollywood (où il travailla notamment pour les studios MGM, Paramount et Warner Bros.). Sorti la même année que Giant, autre mélodrame familial en milieu pétrolier avec Hudson, Written on the Wind est devenu, malgré le caractère baroque revendiqué par son metteur en scène, un classique hollywoodien au bon sens du terme.
Mardi 6 novembre 1956. Kyle Hadley, le patron et héritier de l'empire pétrolier légué par son père Jasper,
traverse à toute vitesse, à bord de son roadster jaune, les
installations de raffinement qui occupent la majeure partie de la petite
localité texane qui porte le nom familial. Arrivé dans la maison qu'il
partage avec son épouse Lucy et sa jeune sœur Marylee,
il termine la bouteille de scotch qu'il sirotait en roulant et se
dirige vers son bureau d'un pas décidé malgré une évidente sérieuse
alcoolémie. Un coup de feu retentit bientôt et un homme vient s'écrouler
peu après sur le seuil de la demeure. Un peu plus d'un an auparavant,
le 24 octobre 1955 précisément, Mith Wayne, le collaborateur et ami d'enfance de Kyle, se rend au bureau new-yorkais de la firme et y rencontre Lucy Moore, la nouvelle assistante du responsable local Bill Ryan. Il l'emmène au restaurant "21" où Kyle
est venu spécialement consommer un hamburger après avoir traversé la
moitié du pays. Le riche séducteur tombe immédiatement sous le charme de
la jeune femme et lui propose de l'emmener à Miami Beach à bord de son
jet personnel. Là, une suite somptueuse et fleurie, dont les placards et
les tiroirs ont été généreusement garnis, attend Lucy.
Impressionnée, celle-ci garde néanmoins la tête froide et prend presque
aussitôt le premier avion pour retourner à New York dans lequel
l'intercepte son Pygmalion qui la convainc de l'épouser.
Sous son apparent classicisme, ce film tant apprécié par Pedro Almódovar laisse apparaître une distanciation ironique qui cadre assez bien avec la personnalité et les penchants culturels de Douglas Sirk.
Cet académique drame psychosociologique reposant sur un trivial
triangle amoureux doit une grande partie de son intérêt au traitement
expressionniste qu'en fait le réalisateur, adroitement secondé par Russell Metty,
son directeur de la photographie. Symbolisme primaire des couleurs,
subtil affaiblissement du réalisme par le choix des éclairages, Sirk met en scène une tragédie au sens théâtral, voire lyrique, du terme. Contrairement à Elia Kazan dans le récent East of Eden, ce n'est pas tant la psychologie des personnages qui l'intéresse que leur représentation figurative et dialectique (pouvoir et faiblesse, richesse et échec, allégeance et révolte...),
une fois révélées les tensions et les dépendances, nées entre les
protagonistes au cours d'un "âge d'or" de l'enfance, avec l'arrivé de Lucy. Si Rock Hudson et Lauren Bacall se montrent à la hauteur de leur réputation, ce sont surtout les prestations de Robert Stack et de Dorothy Malone, tous deux nommés aux "Oscars" (seule l'actrice sera récompensée) qui doivent être soulignées. Sirk réunira d'ailleurs à nouveau, l'année suivante, le trio qu'ils constituaient avec Hudson pour The Tarnished Angels.
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