"Selon qui ?"
Il fallait une certaine dose d'inconscience ou de présomption pour se lancer dans une aventure telle que Underworld. Pour commencer, en donnant à ce premier film le titre d'une des œuvres majeures de Josef von Sternberg. Ensuite, en explorant un genre sérieusement encombré par de nombreuses références. Que l'on en juge, depuis les œuvres de Friedrich W. Murnau et de Tod Browning pour les vampires, de George Waggner et de Terence Fisher
pour les loups-garous, ce sont en effet plusieurs dizaines de titres
qui peuvent être recensés. Et les deux créatures se sont même déjà
opposés ou ont cohabité, par exemple dans La Noche de Walpurgis ou, plus récemment, dans Buffy the Vampire Slayer. Et pourtant, l'un des atouts du film de Len Wiseman
est d'avoir, dans une certaine mesure, su y apporter un peu
d'originalité. Certes, le jeune scénariste et réalisateur n'évite pas
les chausse-trappes mais il a réussi à faire de ce coup d'essai un
succès public et commercial susceptible de lui donner l'envie et les
moyens de produire une suite.
Une lutte souterraine oppose, depuis presque un millénaire, les vampires et les lycans (loups-garous). Ceux-ci ont été quasiment exterminés par leurs adversaires et leur chef, Lucian, est présumé mort. Un soir, alors qu'ils surveillent l'éventuelle présence de rescapés lycanthropes pour les éliminer, Selene
et sa petite équipe de vampires tueurs repèrent deux d'entre eux et une
intense fusillade s'engage sur un quai de métro. De retour dans le
manoir qui sert de quartier général aux vampires, la jeune femme
comprend, grâce à des photographies, que les lycans suivaient un humain
avec lequel elle a échangé un long regard avant l'attaque. Bravant les
ordres de son chef, Kraven, elle se met alors à la recherche de celui qu'elle a identifié comme étant Michael Corvin afin de connaître la raison de l'intérêt qu'il suscite chez ses ennemis.
Bien que tourné (pour des raisons essentiellement économiques) dans la patrie de la funeste comtesse Erzsébet Báthory, Underworld
rompt sans vergogne avec la tradition littéraire et cinématographique
relative aux vampires et aux loups-garous. John Polidori et Bram Stoker
d'une part, Hérodote et Ovide d'autre part n'y reconnaîtraient pas leur
"petit". Les suceurs de sang imaginés par le trio de scénaristes sont
finalement assez sobres. De luxueuses limousines ou de rapides coupés
ont remplacé les carrosses pour leurs déplacements, ils se reflètent
dans les miroirs et usent sans modération d'armes automatiques pour
combattre des lycanthropes capables de se transformer en monstres
sauvages même en début de mois lunaire. Si Len Wiseman avait dû choisir un parrain pour son film, ce sont les frères Wachowski plus que Coppola qui auraient visiblement eu la préférence.
L'idée la plus séduisante d'Underworld n'est pas le casting, à contre-emploi, de Kate Beckinsale,
au registre bien limité dans un rôle il est vrai sans réelles nuances,
mais le retour à une origine commune* pour les deux formes de créatures
mythologiques, ici étayée par des arguments scientistes. On regrette
cependant la première impression laissée par le scénario, privilégiant
initialement l'action au détriment de la raison et introduisant,
notamment, sans présentation, une galerie de personnages baroques plus
que gothiques. Pour, finalement, se résoudre à donner quelques éléments
de narration, enfin dialoguée, indispensables à la compréhension du
déchaînement de fureur, jusque là purement gratuit, se déroulant à
l'écran.
N.B. le rythme du film ne souffre pas trop de l'ajout des quelques
quinze minutes supplémentaires au métrage exploité en salles ; la
version longue, non déterminante, étoffe un peu certains aspects de
l'intrigue et de personnages.
___
*les croyances populaires faisaient, en effet, du vampire et du
loup-garou les deux facettes d'un même monstre, raffiné d'un côté et
primaire de l'autre. L'intrigue du film y ajoute une amusante dimension
sociale de lutte de classes.
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