mercredi 20 octobre 2004

Zatôichi rôyaburi (zatôichi : le justicier)


"... Et la terre serait souillée."


En 1967, sortent trois épisodes de "La Légende de Zatoichi" dont ce seizième opus, le premier et le seul de la série dirigé par Satsuo Yamamoto. Ce réalisateur (dont il faudrait redécouvrir l'étonnante filmographie), militant, comme Kaneto Shindo, dans des mouvements politiques gauchistes, s'était illustré l'année précédente avec Shiroi Kyotô, une adaptation d'un roman de Toyoko Yamazaki plusieurs fois récompensée au Japon et à Moscou. Toujours siglé Daiei, Zatôichi rôyaburi est aussi le premier film de la Katsu Production, pénultième étape avant que Shintarô Katsu ne passe derrière la caméra.
La route d'Ichi (Shintarô Katsu) passe par le village d'Iwai dans la région d'Higata. Il y croise Ohara Shusui (Kô Nishimura), un samouraï qui défait, sans sabre, un groupe d'assaillants armés. Ichi est reçu par Tomizo, le parrain local qui, associé à Yamagen, un négociant en soja également officier gouvernemental, s'enrichit sur le dos des paysans. Tomizo demande à Ichi de porter une lettre à Asagoro (Rentaro Mikuni), un parrain concurrent, lui proposant de payer la dette de deux paysans emprisonnés pour leur éviter de perdre leur terre. Asagoro s'est, en effet, fait le défenseur des cultivateurs spoliés, aidé dans sa démarche par Ohara Shusui, devenu leur maître à penser. Impressionné par la moralité et les valeurs d'Asagoro, Ichi évite une guerre entre les deux parrains en éliminant Tomizo. Puis, ayant décidé d'abandonner sa triste activité de sabreur, il part pour Kiryu et se place sous la tutelle d'un patron qui exploite ses talents de masseur. Pendant son absence, les choses, et les gens, ont bien changé à Iwai. Pas réellement dans la direction attendue.
Zatôichi rôyaburi, qui s'ouvre, pendant le générique, sur une séquence qui remet spectaculairement en évidence un des talents de Zatoichi déjà vu dans Zatoichi sakate giri, est un des épisodes les plus noirs de la série, bien qu'il se déroule essentiellement de jour et en extérieurs. C'est aussi celui qui ressemble le plus à un western, mâtiné de tragédie kabuki (en particulier dans le final) avec sa guerre des clans dans laquelle s'immisce un justicier. Zatoichi y apparaît, à lui seul, comme les sept samouraïs d'un Shichinin no samurai ou les sept mercenaires d'un The Magnificent Seven. La différence notable est que son engagement n'est pas initialement motivé par l'argent mais par son adhésion à une cause et à un homme. Le film possède d'ailleurs une évidente dimension politique avec son personnage "zapatien" d'Ohara Shusui, défenseur des paysans ayant renoncé au meurtre, rejetant à la fois empereur et shogun. L'originalité singulière de Zatôichi rôyaburi vient de la rupture inédite dans le récit, avec l'étrange épisode situé à Kiryu, et de la double trahison que connaît le personnage central, celle de ses sens (il est, pour une fois, vraiment aveuglé) et celle d'un homme. Très soigné sur le plan visuel, il est également l'un des épisodes les plus violents avec ses membres tranchés, ses effusions de sang et autres supplices infligés, notamment à une femme. Signalons, enfin, le pastiche du "Carmina Burana" de C. Orff qui accompagne la scène qui précède le bref combat final.

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