lundi 4 octobre 2004

Massa'ot James Be'eretz Hakodesh (le voyage de james à jérusalem)


C'est quoi un 'frayer', M. Sallah ?"


Après plusieurs documentaires, l'israélien Ra'anan Alexandrowicz réalise, avec Massa'ot James Be'eretz Hakodesh (les voyages - ou les coups - de James en Terre Sainte, le premier vocable ayant les deux sens), son premier long métrage de fiction. Pour un coup d'essai, c'est une franche réussite (à défaut d'être un authentique coup de maître !). Le film, destiné initialement à la télévision, est inspiré de la rencontre réelle entre le cinéaste et James, un Nigérian, banquier dans son pays mais vivant à Tel-Aviv avec un visa de touriste longue durée en faisant des ménages. Présenté dans la section "Quinzaine des réalisateurs" à Cannes en 2003, il a obtenu quelques encourageantes récompenses internationales.
Dans le village imaginaire de Entshongweni, petit village africain loin de la civilisation occidentale, on choisit le jeune James pour une mission : un pèlerinage à Jérusalem. Mais Israël n'est plus la terre promise rêvée par James et les siens. A l'aéroport, James est suspecté de venir chercher du travail illégalement. Il est emprisonné et destiné à être renvoyé dans son pays. Alors que, du fond de sa cellule, James demande à Dieu de lui permettre d'achever sa mission, un miracle arrive : un mystérieux inconnu paie sa caution. Mais il devient vite clair que cette caution est remboursable. Son sauveur est un pourvoyeur de main-d'œuvre qui sauve les immigrants illégaux en échange des tâches les plus dures. A partir de ce moment, le voyage de James pour Jérusalem se transforme en une plongée cruelle dans la dure réalité économique. Avec de bons professeurs, une petite dose de chance et des échanges philosophiques, James apprend les règles du jeu et devient un expert.
Massa'ot James Be'eretz Hakodesh est un réjouissant conte philosophique moderne, une sorte de "Candide" (sous-titré l'Optimiste) sans Cunégonde raconté par un Voltaire du XXIe siècle. Le réalisateur a réussi, avec talent, humour mais aussi affection, à montrer les contradictions entre l'image (rêvée) véhiculée par son pays et sa réalité quotidienne. Il met habilement en équation, sans apporter de solution, les dialectiques classiques entre spirituel et matériel ou entre foi et argent. Avec un traitement tout en légèreté, au sens positif du terme, et en apparente naïveté, le film traite, sans avoir l'air d'y toucher, de sujets aussi graves que la mémoire, le rapport à la terre et la vertu, terme devenu très suranné, pour ne pas dire rétrograde, de nos jours. Pangloss est ici M. Sallah Shabati*, remarquablement bien interprété par Arieh Elias, qui, lui aussi grâce à James-Candide, cultive son jardin. Très belle prestation du Sud-africain Siyabonga Melongisi Shibe dans ce rôle qui semble avoir été écrit pour lui. L'acteur, débutant, se fond dans ce personnage attachant et lumineux avec un naturel confondant.
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*titre d'un film d'Ephraïm Kichon qui traitait des difficultés d'intégration des Juifs du Maroc en Israël.

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