dimanche 10 octobre 2004

CIA, guerres secrètes


"Je pense que tout n'est jamais tout noir ou tout blanc." (Richard Helms, dir. de la C.I.A.)

1947-1977 : Opérations clandestines

C'est après le désastre de Pearl Harbour que le Président Harry Truman décide la création de la Central Intelligence Agency (C.I.A.), au grand dam du patron du Federal Bureau of Investigation (F.B.I.), J. Edgar Hoover, qui perd ainsi une partie de ses prérogatives dans le domaine de l'espionnage. Objectif de l'Agence : lutter contre le communisme, seul réel danger, à l'époque, des tout-puissant Etats-Unis. Premier instrument mis au service de cette mission : le recrutement d'anciens nazis qui connaissent bien leur nouvel ennemi commun. Première opération d'envergure sur la scène internationale : le coup d'état, baptisé Opération Ajax, organisé par les équipes du patron de la CIA, Allan Welsh Dulles, destiné à renverser le Premier Ministre iranien Mossadegh après sa décision de nationaliser les compagnies pétrolières en activité dans le pays. Mais, bien sûr, en prenant le prétexte d'une menace soviétique ! Suivent celles aux Guatemala et au Congo belge (avec l'élimination du jeune Premier Ministre Patrice Lumumba).
Mais le Président J. F. Kennedy et la CIA se casseront les dents sur le dossier cubain : échec de l'opération de débarquement de la Baie des Cochons et des multiples tentatives d'assassinat de F. Castro. Conséquence immédiate, le limogeage de Dulles par Kennedy. Les deux hommes se détestent et Kennedy a le sentiment qu'il ne contrôle plus les opérations lancées par la CIA. Paradoxe ou choix délibéré, c'est Dulles qui sera à la tête de la commission d'enquête sur l'assassinat du Président qui conclut à la seule culpabilité de Lee Harvey Oswald. L'intervention américaine au Viêt-nam a des répercutions tant sur le terrain qu'aux Etats-Unis même avec l'opération Chaos destinée à réprimer l'opposition intérieure au conflit. L'affaire du Watergate est l'occasion du premier affrontement direct entre la CIA et le FBI. Enfin le rôle joué par les Etats-Unis au Chili et le présumé suicide du Président Allende pousse Gerald Ford a signer la directive 12033 interdisant les meurtres de dirigeants étrangers.

1977-1989 : La fin des illusions

L'élection du démocrate Jimmy Carter et la nomination à la tête de la CIA du controversé Amiral Stansfield Turner ouvre une période de tentative de rénovation puis de démantèlement de l'Agence. Période marquée par les informations erronées sur la révolution iranienne puis sur l'invasion (surprise ?) des soviétiques en Afghanistan en décembre 1979 qui poussera les Etats-Unis à armer la résistance avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui (prise du pouvoir du groupuscule taliban et naissance d'un terrorisme islamique organisé sur le plan international). L'étrange affaire de la libération différée des otages en Iran est, peut-être, à l'origine de l'élection de Ronald Reagan, empêchant un second mandat de Carter. William Casey, le directeur de campagne du candidat républicain, deviendra celui de la CIA. Mais leur mandat sera entaché par les répercussions de la guerre au Nicaragua avec l'Irangate, opération triangulaire destinée à financer les contras. C'est aussi sous la présidence de Reagan que tombera le mur de Berlin et débutera l'effondrement de l'URSS. La disparition du principal antagoniste ôtera-t-elle toute raison d'être de la CIA ? C'est en tous cas un ancien de ses directeurs, George Bush, qui accède à la Maison Blanche en 1989.
1990-2003 : D'une guerre à l'autre
Cette période s'ouvre avec l'incroyable aveuglement de l'Administration face au risque d'invasion du Koweït par les troupes irakiennes. Une fois l'opération Tempête du désert menée à son terme, on tergiverse sur la nécessité d'éliminer Saddam Hussein. Lorsque Bill Clinton est élu à la présidence, il se désintéresse presque totalement du volet "Espionnage" de son mandat. L'attentat au World Trade Center du 26 février 1993, qui aurait pu être beaucoup plus meurtrier, créera un premier choc. Paradoxalement, c'est la guerre entre le FBI et la CIA qui est réactivée à cette occasion avec l'arrestation de la taupe soviétique Aldrich Ames. Un nouvel ennemi est identifié : Oussama Ben Laden, milliardaire saoudien qui finance le terrorisme. Mais l'action de la CIA est entravée par les bonnes relations de l'Administration avec la famille royale d'Arabie saoudite, le poids de ce pays dans l'économie pétrolière et l'influence des lobbies. Lorsque, un peu plus tard, le Soudan, en recherche de réhabilitation internationale, propose de remettre Ben Laden aux américains, ceux-ci, contre toutes attentes, refusent. Et le chef terroriste peut se réfugier tranquillement en Afghanistan. Les liens entre la famille Bush et le monde du pétrodollar, notamment via le consortium Carlyle, est un des éléments qui préparent, malgré les attentats contre des intérêts américains à l'étranger et les avertissements venant des services secrets étrangers, la catastrophe du 11 septembre 2001.
Très intéressant documentaire, en trois parties, s'appuyant essentiellement sur des témoignages (voir intervenants ci-dessous), parfois contradictoires, illustrés de documents d'archives. Le rôle de la CIA, dotée d'un budget supérieur à 28 milliards de dollars* et l'ingérence des Etats-Unis par son intermédiaire dans les pays de sa zone immédiate d'influence, et au-delà, en devient, si cela était encore nécessaire, parfaitement manifeste. L'influence des milieux d'affaires est soulevée à plusieurs reprises. Quelques moment particulièrement forts émaillent le métrage, en particulier le remarquable face-à-face entre le président de la commission d'enquête du Congrès et le directeur de la CIA, Richard Helms. Parmi les nombreuses informations fournies par les témoins, le coût de la guerre froide pour les Etats-Unis.

Intervenants :
Alexander Haig, secrétaire d'Etat (1980-1982)
William Cohen, secrétaire de la défense Clinton (1997-2001)
Richard Haas, Département d'Etat
Robert Malley, conseiller Maison Blanche (1994-2001)
William Quandt, Conseil National de Sécurité
Joseph Wilson, ambassadeur en Irak (1990-1991)
Richard Helms, directeur CIA (1969-1973)
James Schlesinger, directeur CIA 1973
Stansfield Turner, directeur CIA (1978-1980)
William Webster, directeur FBI (1978-1987), directeur CIA (1987-1989)
Robert Gates, directeur CIA (1991-1993)
James Wosley, directeur CIA (1993-1995)
Franck Carlucci, directeur adjoint CIA (1978-1981)
Richard Kerr, directeur adjoint CIA (1989-1992)
Duane Clarridge, directeur centre contre-terroriste CIA (1986-1989)
Dale Watson, directeur lutte anti-terrorisme FBI (1999-2002)
Charles Cogan, directeur contre-espionnage (1995-1998)
Milton Bearden, chef de département (1986-1989)
Richard Holm, chef de département (1992-1995)
Robert Baer, Robert Steele, Samuel Halpern, CIA - opér. clandestines
Peter Earnest, officier de terrain CIA
Oleg Kalouguine, général du KGB
Joseph Trento, historien
William Blum, journaliste d'investigation
Jim Hoagland, journaliste au "The Washington Post"
Jean-Charles Brisard, chargé d'enquête sur le financement d'Al Quaida
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*à titre de comparaison, le budget 2004 de la France est de 289 milliards d'euros.

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