mercredi 27 octobre 2004

A Decade Under the Influence (une décennie sous influence)



"On n'est pas beaux comme eux, mais on est sacrément intéressants.

On étaient intéressants parce qu'on était sincères." (Bruce Dern)

Brillante idée que celle de réaliser un documentaire sur le cinéma américain des années 1970. Cette décennie est, en effet, l'une des plus riches et les plus intéressantes de l'histoire moderne du Septième art. Ce sont Ted Demme, le regretté réalisateur de Beautiful Girls et de Blow, et Richard LaGravenese, le scénariste de The Fisher King et de The Bridges of Madison County, qui s'y collent. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble sur The Ref et Richard LaGravenese a tenu un tout petit rôle d'inspecteur dans Blow. La méthode utilisée, classique, qui mêle des extraits d'interviews de cinéastes avec des images de films et d'archives d'actualité réussit toutefois à mettre en évidence les caractéristiques spécifiques du cinéma de cette époque, ses forces et ses faiblesses.
Ce nouveau cinéma est bâti sur les décombres du système des studios hollywoodiens, dont certains ont disparus et d'autres sont sortis fragilisés de productions ambitieuses mais hasardeuses (le documentaire ouvre, symboliquement, sur des images de la première d'Hello, Dolly!), grandes maisons ayant perdu leur fondateur, les derniers tycoons Jack L. Warner, Louis B. Mayer et Darryl F. Zanuck. Les films des Schrader, Altman, Pollack et Coppola, entre autres, vont s'adresser d'abord au cerveau plus qu'au coeur du public. Celui-ci, à l'image du contexte économique, politique (Viêt-nam et Watergate), social et artistique, a changé et ses attentes en matière de spectacles aussi. L'égotisme n'a plus cours parmi les créateurs de cinéma, lesquels vont désormais, pour certains d'entre eux, chercher leurs sources d'influence de l'autre côté de l'Atlantique ou du Pacifique. Cette nouvelle orientation va permettre aux films de cette décennie d'être d'une grande diversité, favorisée également par l'essor de la production indépendante. Les rôles respectifs de Roger Corman et de l'American International Pictures (AIP) dans le domaine du financement et de John Cassavetes dans celui de la mise en scène sont rappelés.
Easy Rider et Midnight Cowboy ouvrent de nouveaux horizons, d'abord par l'éclosion de jeunes réalisateurs, mais aussi sur le plan thématique, avec la mise en avant d'une population encore inconnue au cinéma, celle des marginaux. Violence, sexe, drogue et vulgarité font leur massive apparition en même temps qu'une nouvelle génération d'acteurs, moins glamoureuse, se révèle. La représentation de l'armée, une institution traditionnellement intouchable, et de la guerre en subira également les effets. Il est amusant de constater, aujourd'hui, que parmi Patton, Tora! Tora! Tora! et M.A.S.H., créés pratiquement en même temps, le plus important des trois n'est pas celui sur lequel on aurait parié à l'époque. The Godfather et The Exorcist, dans des genres et des styles très différents, marquent profondément cette période. Ils restent des oeuvres d'auteur mais renouent avec des budgets colossaux que seuls les studios (resp. Paramount et Warner) peuvent apporter.
Les années 1970 voient aussi le début du combat féministe organisé. Au cinéma, Scorsese met Ellen Burstyn en vedette dans Alice Doesn't Live Here Anymore, un film en nette rupture avec l'image classique de la femme et Jane Fonda endosse son costume de suffragette moderne, tant à l'écran que sur la scène politique. Mais avec sa noirceur, son trouble et son défaitisme, la production de cette époque porte en elle le ferment qui va permettre au cinéma de pur divertissement d'éclore et de prendre sa place. Avec lui, la dimension artistique devient moins importante que la rentabilité de l'investissement ; le film est avant tout un produit commercial que l'on va essayer de vendre plusieurs fois, en tournant des suites et en lui associant des produits dérivés.
L'intérêt majeur de A Decade under The Influence est de remettre en perspective, et en images, grâce à des commentaires souvent pertinents, voire percutants (notamment ceux de Pollack, Friedkin, Scorsese, Coppola, Robert Towne, ou encore Bruce Dern), le cinéma de cette époque charnière. Il atteint pleinement son objectif, celui de donner envie de voir ou de revoir ces films. 

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