"On n'est pas beaux comme eux, mais on est sacrément intéressants.
On étaient intéressants parce qu'on était sincères." (Bruce Dern
)

Brillante
idée que celle de réaliser un documentaire sur le cinéma américain des
années 1970. Cette décennie est, en effet, l'une des plus riches et les
plus intéressantes de l'histoire moderne du Septième art. Ce sont Ted Demme
, le regretté réalisateur de Beautiful Girls
et de Blow
, et Richard LaGravenese
, le scénariste de The Fisher King
et de The Bridges of Madison County
, qui s'y collent. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble sur The Ref
et Richard LaGravenese
a tenu un tout petit rôle d'inspecteur dans Blow
.
La méthode utilisée, classique, qui mêle des extraits d'interviews de
cinéastes avec des images de films et d'archives d'actualité réussit
toutefois à mettre en évidence les caractéristiques spécifiques du
cinéma de cette époque, ses forces et ses faiblesses.









Ce
nouveau cinéma est bâti sur les décombres du système des studios
hollywoodiens, dont certains ont disparus et d'autres sont sortis
fragilisés de productions ambitieuses mais hasardeuses (le documentaire ouvre, symboliquement, sur des images de la première d'Hello, Dolly!
), grandes maisons ayant perdu leur fondateur, les derniers tycoons Jack L. Warner, Louis B. Mayer et Darryl F. Zanuck
. Les films des Schrader
, Altman
, Pollack
et Coppola
,
entre autres, vont s'adresser d'abord au cerveau plus qu'au coeur du
public. Celui-ci, à l'image du contexte économique, politique (Viêt-nam et Watergate),
social et artistique, a changé et ses attentes en matière de spectacles
aussi. L'égotisme n'a plus cours parmi les créateurs de cinéma,
lesquels vont désormais, pour certains d'entre eux, chercher leurs
sources d'influence de l'autre côté de l'Atlantique ou du Pacifique.
Cette nouvelle orientation va permettre aux films de cette décennie
d'être d'une grande diversité, favorisée également par l'essor de la
production indépendante. Les rôles respectifs de Roger Corman
et de l'American International Pictures (AIP) dans le domaine du financement et de John Cassavetes
dans celui de la mise en scène sont rappelés.








Easy Rider
et Midnight Cowboy
ouvrent de nouveaux horizons, d'abord par l'éclosion de jeunes
réalisateurs, mais aussi sur le plan thématique, avec la mise en avant
d'une population encore inconnue au cinéma, celle des marginaux.
Violence, sexe, drogue et vulgarité font leur massive apparition en même
temps qu'une nouvelle génération d'acteurs, moins glamoureuse, se
révèle. La représentation de l'armée, une institution traditionnellement
intouchable, et de la guerre en subira également les effets. Il est
amusant de constater, aujourd'hui, que parmi Patton
, Tora! Tora! Tora!
et M.A.S.H.
, créés pratiquement en même temps, le plus important des trois n'est pas celui sur lequel on aurait parié à l'époque. The Godfather
et The Exorcist
,
dans des genres et des styles très différents, marquent profondément
cette période. Ils restent des oeuvres d'auteur mais renouent avec des
budgets colossaux que seuls les studios (resp. Paramount et Warner) peuvent apporter.







Les années 1970 voient aussi le début du combat féministe organisé. Au cinéma, Scorsese
met Ellen Burstyn
en vedette dans Alice Doesn't Live Here Anymore
, un film en nette rupture avec l'image classique de la femme et Jane Fonda
endosse son costume de suffragette moderne, tant à l'écran que sur la
scène politique. Mais avec sa noirceur, son trouble et son défaitisme,
la production de cette époque porte en elle le ferment qui va permettre
au cinéma de pur divertissement d'éclore et de prendre sa place. Avec
lui, la dimension artistique devient moins importante que la rentabilité
de l'investissement ; le film est avant tout un produit commercial que
l'on va essayer de vendre plusieurs fois, en tournant des suites et en
lui associant des produits dérivés.




L'intérêt majeur de A Decade under The Influence
est de remettre en perspective, et en images, grâce à des commentaires souvent pertinents, voire percutants (notamment ceux de Pollack
, Friedkin
, Scorsese
, Coppola
, Robert Towne
, ou encore Bruce Dern
), le cinéma de cette époque charnière. Il atteint pleinement son objectif, celui de donner envie de voir ou de revoir ces films.







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